Au coeur du dernier derby à Gerland

Au coeur du dernier derby à Gerland
Tribunes du stade de Gerland

Emmené par un Alexandre Lacazette des grands soirs, Lyon a remporté de la plus belle des manières le dernier derby disputé dans son enceinte de Gerland, surclassant 3 à 0 son éternel rival stéphanois. Entre triplé de son buteur fétiche, score fleuve et feu d'artifice, tous les ingrédients étaient présents pour que la fête soit réussie. Sur place, émotions garanties.

Le match démarre dans plus d'une heure et déjà l'on sent que l'atmosphère du soir se veut particulière aux abords de Gerland. Au loin, les chants à la gloire de l'OL se marient aux refrains pour le moins haineux envers les Verts. Mais bon, c'est de bonne guerre, et bien que les noms d'oiseaux fusent, cela demeure tout à fait légitime un jour de derby. De part et d'autre de l'avenue Tony Garnier – qui n'est d'autre que l'architecte du stade de Gerland - les lumières des habituels stands de kebabs se mêlent aux lueurs rougeâtres dégagées par quelques fumigènes, dont l'odeur de soufre vient chatouiller le nez des supporters lyonnais. En revanche, aucune touche de vert parmi les passants, qui tentent comme ils le peuvent de se frayer un chemin entre les centaines de véhicules agglutinés dans le quartier. Taquins, certains d'entre-eux se lancent même à la recherche de voitures arborant le 42 – numéro de département de la Loire pour ceux qui préfèrent l'histoire à la géo – sur leur plaque d'immatriculation. « A c'qui paraît, y'a trois bus de stéphanois ce soir », balance un homme alors qu'il patiente à un feu rouge. Pourtant, il n'en est rien. Interdit par un arrêté ministériel, le déplacement des supporters des Verts n'aura pu avoir lieu. Libéré par conséquent, le parcage d'habitude réservé aux spectateurs visiteurs sera donc occupé par des fans de l'OL ce soir. Censée minimiser les risques d'éventuels affrontements entre supporters, cette modification pour le moins inédite soulage la tâche des stadiers à quelques minutes du début de la rencontre. « Pour l'instant on n'a pas de problèmes au niveau de la sécurité, affirme l'un d'entre-eux. De façon général, on n'est pas embêté. » L'excitation et la ferveur sont par contre bien présentes du côté des supporters lyonnais. Lucas, peinture rouge et bleue sur les joues, est plus que confiant quant à la performance à venir de son club de cœur. Il ne le sait pas encore, mais il va voir juste dans ses pronostiques. « Franchement on les déchire ! Ce soir, c'est 3-0 ! » Bien vu petit. A dix minutes du coup-d'envoi, l'ambiance monte dans le stade. Repris à l'unisson par les quatre tribunes, l'habituel « Aouh » – référence au film 300 – résonne bruyamment dans les travées de Gerland. Suivis par le premier « Qui ne saute pas n'est pas Lyonnais » de la soirée, ces cris de guerre passionnés terminent de chauffer à blanc l'enceinte des Gones. Quelques instants plus tard, les joueurs font enfin leur entrée sur le terrain, admirant alors le spectacle offert par les deux virages et leurs tifos. Côté Sud, le groupe Lyon 1950 déploie un énorme sigle OL, surplombant une phrase à l'accent chambreur. « Dans le stade depuis 65 ans bat le cœur de la région. » La suprématie régionale est ici bien en jeu. Au Nord, les Bad Gones rappellent l'histoire qui les unit au club. « 28 années que nos histoires sont intimement liées. » Le spectacle est ainsi au rendez-vous. 

Lacazette héros de la Der des Ders

21h00, d'un souffle l'arbitre Tony Chapron lance la rencontre et fait surgir par la même occasion une première clameur dans le stade, bouillant. 28 secondes plus tard, il doit déjà intervenir suite à un tacle trop appuyé de Pajot sur Jordan Ferri. Première biscotte de la soirée. Décidément sollicité, il remet ça quelques instants plus tard après un découpage maison de Lemoine sur Valbuena, qui subira nombre de fautes tout au long du match. Avec deux cartons jaunes en moins de cinq minutes, le ton de la partie est donné. Comme attendu, les duels sont rugueux, attisant les hurlements des deux kops à chaque contact. Concernant le jeu proposé par les deux équipes, c'est plutôt brouillon. On arrive déjà à la moitié de la première mi-temps et toujours pas de franche occasion. Dans les tribunes, un spectateur fait part de son mécontentement en s'adressant à son voisin. « Tu vas voir, ça va faire un vieux 0-0 tout ça. » A la demi-heure de jeu, Maxime Gonalons et le Stéphanois Fabien Lemoine se voient contraints d'abandonner les leurs suite à ce qu'il semble être des problèmes musculaires. Quelque peu moqueur à l'égard du défenseur Yanga-M'Biwa, pas en réussite en ce début de rencontre, le même spectateur s'autorise un petit trait d'humour suite à la blessure du capitaine lyonnais, remplacé par Sergi Darder. « Ah c'est pas à Mapou que ça veut arriver ce genre de truc ! » Le voisin rigole et a l'air d'apprécier la vanne. Il faut attendre la 38ème minute pour enfin se mettre quelque chose sous la dent. Bien servi par Darder, Ferri enchaîne contrôle du droit-reprise du gauche à cinq mètres de la cage. Stéphane Ruffier repousse alors d'un joli réflexe le tir à bout portant du Lyonnais, et renvoie le ballon dans les pieds de Valbuena, qui lui écrase malencontreusement sa frappe. Cette double parade a le mérite de réveiller Gerland, qui explosera toutefois de joie quelques secondes plus tard. Cinq minutes avant la pause, Lacazette se joue de Ruffier d'un piqué bien senti et plante le premier but du match. Gerland explose alors et scande d'une même voix le chant à l'honneur de son chouchou. 1-0 à la pause donc, ce qui permet aux hommes d'Hubert Fournier de regagner les vestiaires avec le sentiment du devoir accompli. La prestation des Lyonnais demeure néanmoins perfectible si l'on écoute Samuel, maillot Europe noir des années 2000 sur les épaules. « Pour la deuxième mi-temps il faudrait plus de réalisme en attaque. On saute un peu trop les lignes, on n'a pas trop vu les milieux. » Du réalisme, il en manque au buteur de la rencontre à la 53ème minute. Se retrouvant en face à face avec Ruffier à le sortie d'un raid solitaire, Lacazette opte pour pointu trop imprécis pour s'avérer efficace. Le ballon passe à quelques centimètres du poteau droit des cages et fait lever d'un seul homme les spectateurs, qui y auront cru sur le coup. Le numéro 10 de l'OL règle la mire sur son occasion suivante à l'heure de jeu. Opportuniste, il reprend un ballon repoussé par Ruffier suite à une frappe de Rafael et fait le break pour son équipe. Gerland rugit ainsi une deuxième fois, appréciant au passage le niveau de jeu retrouvé par son attaquant. Lyon est alors serein à cet instant de la partie, tant les Verts semblent à l'image de leurs supporters, totalement absents. Les blessures s'invitent alors dans cette fin de rencontre, qui voit consécutivement Pogba, Umtiti et Beric – blessé pour plusieurs mois – quitter la pelouse. La tension grimpe petit à petit entre les joueurs. Giflé plus ou moins volontairement par M'Biwa, Loïc Perrin se retrouve la lèvre en sang à douze minutes de la fin du temps réglementaire. Certains joueurs s'énervent, à l'image d'Anthony Lopes et François Clerc, qui en viennent presque aux mains dans cette ambiance électrique. Réduits à dix après la sortie de Beric – tous les remplacements ayant déjà été effectués pour Sainté, les Verts lâchent prise en cette fin de partie, qui se prolonge de cinq minutes avec le temps additionnel. C'est à cet instant que Lacazette enfile le costume de héros dans ce dernier derby en poussant la gonfle dans le but vide après avoir habilement crocheté Ruffier. Triplé pour le gone, 3 à 0 pour l'OL, autrement dit un scénario de rêve pour les supporters lyonnais, qui exultent et lancent une ola dans le stade. 

Voilà, c'est fini

Le coup de sifflet final une fois donné, une partie des joueurs lyonnais gratifient Gerland d'un tour d'honneur. Euphorique, le speaker du stade choisit ce moment pour prendre la parole, et annoncer qu'un feu d'artifice viendra récompenser la victoire du soir. Gerland se plonge alors dans l'obscurité. Dans les tribunes, tel un ciel étoilé, les écrans lumineux de milliers de portables instaurent une atmosphère calme et apaisée. C'est seulement à cet instant qu'on réalise que l'on vient d'assister à un moment historique dans l'histoire de l'Olympique Lyonnais. Les derbys à Gerland, c'est désormais du passé. Sur les deux écrans géants du stade, un clip rendant hommage aux grands moments des 54 derniers Lyon-Sainté éveille les souvenirs. Là, on se remémore. On se remémore les buts de Juninho, Benzema, Gourcuff... et l'émotion immense qu'ils ont suscitée. Ainsi, Gerland se recueille presque, faisant le deuil de ses derbys d'antan. La vidéo se termine et les applaudissements jaillissent de toute part. Dans la foulée, le décompte du feu d'artifice tant attendu est lancé. 3...2...1... Boum ! Les premières détonations se font entendre et dans le ciel, une pluie d'étincelles tombe sur la pelouse. Gerland s'habille de mille feux et devient l'espaces de quelques minutes stade des lumières. Le bouquet final conclue dès lors le show et boucle une soirée parfaite pour les supporters. James, bonnet rouge et bleu vissé sur la tête, partage entièrement cet avis. « D'la balle ! D'la bombe ! » L'ultime derby à Gerland, marqué d'un score des plus symboliques, aura donc ravi l'ensemble des Lyonnais. La fête aura été belle. Le vert à l'âme, les plus nostalgiques s'éloignent du stade avec un sentiment partagé entre satisfaction et légère mélancolie. Allez, au revoir Gerland.

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