Super-Zidane à Disneyland Madrid

Super-Zidane à Disneyland Madrid
Zinédine Zidane dans son costume de super-héros lors de Real Madrid - Sporting Gijon (Icon Sport)

La nomination de Zinédine Zidane à la tête du Real Madrid en début de mois a été vécue comme un véritable raz-de-marée dans le monde du football. Sans grande expérience du métier, l’ancien numéro 10 français apparaît pour l’instant comme l’homme idéal à son poste, vivant des débuts de rêves dignes d’un film de chez Disney : le fruit d’une stratégie de communication savamment pensée du côté de Madrid.

C’est plein centre sur le nouveau cliché officiel de la saison 2015-2016 du Real Madrid que Zinédine Zidane prend place en début de semaine. Fraîchement intronisé entraineur de la Maison Blanche, le héros du Mondial 98 trône fièrement au milieu de ses ‘’nouveaux’’ poulains, juché derrière son tout-puissant président Florentino Perez et symboliquement entre Gareth Bale et Cristiano Ronaldo, les deux joyaux les plus chers du club à qui l’on prêtait récemment des envies d’ailleurs. Le passé s’oublie donc bien vite. Il suffit parfois d’un simple flash pour que le futur immédiat reprenne ses pleins droits. Il ne reste désormais quasiment plus rien de Rafael Benitez au Real Madrid, pas même son ombre. La photo de famille prise cette semaine met en avant une équipe qui se veut soudée et qui vaut surtout des centaines de millions d'euros. Soit. Plus encore, elle représente autant le désir du Real d’enterrer son erreur de casting d’avant-saison, Benitez, que son aspiration à mettre en avant une toute autre image que celle d’un club plombé par ses choix internes. Une image évidemment bienveillante et plus clinquante et dont Zidane a pour rôle d’être le fier étendard. « Les valeurs sacrées de Zidane sont les valeurs sacrées du club, déclarait ainsi le président Perez dans une tribune au début du mois, peu après avoir nommé l’ancien numéro 5 à la tête de son équipe première. Il connaît le chemin de la victoire et sait que ce chemin implique le don de soi, le sacrifice, l’effort et beaucoup de talent. » Une véritable apologie à un joueur de légende, que l’on juge sincère mais dont le président a clairement décidé d’exploiter pleinement le caractère mythique. Pour les intérêts de la maison madrilène, évidemment.

Manichéisme à la sauce madrilène

Si l’on ne remet pas en doute la volonté du Real de recruter Rafael Benitez l’été dernier, l’entraineur ayant du métier et un certain savoir-faire au niveau de la gagne, on ne peut occulter que l’arrivée de l’ancien tacticien napolitain s’est aussi opérée au grès des chaises musicales estivales. C’est comme ça dans le football : les clubs dépourvus de coaches se servent généralement parmi ceux disponibles sur le marché et il arrive que parfois, ils s’assoient sur une chaise aux allures douillettes et qui se révèle au final moins confortable que prévu. Benitez était de celles-là et son incompatibilité avec les attentes de ses joueurs s’est révélée criante dès l’ouverture de la saison. Leader invétéré du vestiaire, Cristiano Ronaldo l’avait dans le piffe dès le départ et l’histoire d’amour était évidemment perdue d’avance. « On a perdu beaucoup de temps avec lui, » a ainsi récemment lâché le Portugais à l’encontre de son désormais ex-entraineur peu après l’intronisation de Zidane. Prends ça, Rafa ! Loin d'être réputé pour prôner un jeu spectaculaire, Benitez a très largement subi la loi de son vestiaire durant son très court mandat sur le banc espagnol. Sans sacrifier les intérêts du club en bradant les matchs, les joueurs se contentaient (souvent) du minimum et tiraient littéralement la gueule sur la pelouse, CR7 le premier, pour contester les choix de Benitez. Résultat des courses : Madrid gagnait mais le jeu ennuyait et par conséquent, Santiago Bernabéu se dépeuplait inlassablement. Une situation en inadéquation totale avec la politique d’un club élu en 2015 club le plus riche du monde une fois encore.

A peine nommé entraineur du Real, Zizou a connu des débuts fracassants : deux matchs disputés pour deux victoires, dix buts marqués pour un seul encaissé et un jeu bien léché porté par des joueurs avides de mouiller leur tunique. Il y avait sûrement moyen de faire pire. Benitez a évidemment connu de nombreux cartons (10-2 contre le Rayo Vallecano notamment) mais jamais cet enthousiasme. Et si Zizou peut se targuer d’un tel bilan à l’heure actuelle, c’est aussi parce que ses têtes de gondole offensives carburent à plein régime depuis son intronisation. Au ralenti pour ne pas dire mollassonne sous Benitez, la BBC (Benzema-Bale-Cristiano) apparaît revigorée depuis que l’ancien numéro 5 du Real a pris les commandes de la formation. Dans un club aussi exigeant que le Real, il ne suffit pas de marquer des buts ponctuellement mais bel et bien d‘assurer le show pendant 90 minutes, ce qui n’arrivait plus sous Benitez. Il s’agit aussi de bien négocier les grands rendez-vous et en ce sens, la victoire très chanceuse contre Paris en C1 (1-0) après une prestation indigeste et la débâcle du Classico (défaite 0-4 à la maison) ont clairement contribué à assombrir le tableau. Mais tout ça, c’est terminé. Maintenant dans la capitale espagnole, c’est feu d’artifice, paillettes et cotillons. A bien y regarder, tout semble même se passer comme dans un rêve du côté de Madrid où la réalité s’est clairement fait supplanter par un plan de communication et de marketing visant à faire de Benitez l’antagoniste du récit et Super-Zizou le héros de l’histoire. Et Luka Modric parmi tant d’autres ne s’est pas privé pour dérouler le tapis rouge à l’ancien numéro 10 des Bleus dans les colonnes de Sportske Novoski : «  Son charisme est très important pour nous. Il est un des joueurs les plus importants dans l'histoire, quand il parle, tout le monde veut absorber ce qu'il dit. Il possède une grande expérience et est très convaincant quand il nous parle. Zidane est très direct et ne gaspille pas les mots.  » Gloire à toi donc, Zinédine !

Un symbole, pas encore un entraîneur

Dans l’engouement médiatique suscité par la nomination de Zizou, on a toutefois tendance à oublier que son travail est jusqu’à présent vraiment minime, pour ainsi dire infime. Mais parce que c’est Zidane, on le porte déjà aux nues, un peu comme l’époque argentine du sélectionneur Maradona. Mais c’est oublier qu’une véritable transition dans une équipe ne s’opère pas en un clin d’œil. Transformer un groupe efficace mais moribond en machine à gagner destructrice et impressionnante à voir jouer n’est pas supposé se faire en l’espace de quelques jours. Le meilleur contre-exemple de l’effet Zidane reste l’effet Klopp du côté de Liverpool où l’ancien coach de Dortmund met lentement mais sûrement son jeu et son dispositif en place, en faisant avec les moyens du bord, au grès de succès de prestige mais aussi - logiquement - de défaites. Le contexte madrilène est toutefois largement différent. Les joueurs qui freinaient devant Benitez s’enthousiasment à présent devant Zizou. Le public nostalgique de l’ancienne star locale et ses yeux pleins d’étoiles perdent nécessairement en discernement devant des discours et des conférences de presse savamment léchées, maitrisées et orchestrées. « Ce qu’il y a de mieux c’est qu’aujourd’hui on a bien joué au ballon, » déclarait ainsi Zidane au sortir de sa victoire 5-0 sur La Corogne, auto-déclarant sans concession que l’actuel dépasse déjà le passé. Après un seul match.

Mais au fond, il a fait quoi Zidane au Real en trois semaines? En fait, peu et beaucoup de choses à la fois. A grande échelle, le Real Madrid moribond est redevenu Disneyland Madrid, un parc plein d’attractions que tous les socios rêvent d’expérimenter. Sportivement, Zizou a évidemment procédé à des ajustements mais en ce moment il surfe surtout et logiquement sur le travail de ses prédécesseurs (Benitez et Ancelotti). En réalité, c’est plus dans un rôle de communicant et de prêcheur de la bonne parole que le Français s’est jusqu’à présent distingué. Dans ses premières déclarations à la presse, il a ainsi colmaté la plupart des brèches nées de la période Benitez. Les incertitudes concernant les contours de l’effectif futur ? Balayées ! L’ancien meneur de la Maison Blanche a ainsi très vite précisé que « Cristiano », régulièrement associé à un départ (PSG, United) est aujourd’hui « plus qu’intransférable », le considérant d’ailleurs comme « l’âme de l’équipe. » Pas toujours épargné par les critiques, Gareth Bale était lui élevé au rang de héros après le premier match. « Je suis content de ce qu’il a fait parce que ce n’est pas facile de marquer trois buts en un match. » Et on ne parle pas des multiples hommages adressés à son poulain Benzema. En charmeur émérite, Zidane assume donc pour l’instant à merveille son statut d’image du renouveau madrilène. Mais dans son Disneyland actuel, l’entraineur mais surtout ses suppporters - ceux qui croient en lui dur comme fer - doivent absolument retenir que comme dans une montagne russe, il connaîtra forcément des hauts et des bas. Le plus dur, le côté sportif, ne fait que démarrer. A ce petit monde de retenir que le football n’épargne en effet personne et n’a jamais rien eu d’un quelconque conte de fée.

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