Lucas Deaux : « Je me levais le matin et je n’avais plus trop envie d’aller à l’entraînement ! »

Lucas Deaux : « Je me levais le matin et je n’avais plus trop envie d’aller à l’entraînement ! »
Lucas Deaux retrouve les pelouses de Ligue 1

À l’occasion de son retour en Ligue 1, le très incisif milieu défensif de 28 ans s’est livré sans filtre sur son parcours, son expérience belge et sa nouvelle aventure guingampaise.

 Propos recueillis par Sarah Aouad (@Sarah_Aouad)

C’est à l’En Avant Guingamp que tu as choisi de signer ton retour en Ligue 1 …

J’ai signé un contrat de trois ans avec Guingamp, peu importe qu’on soit en Ligue 1 ou en Ligue 2, jusqu’en 2019, l’année de mes 30 ans. Ça me permet d’arriver à la fin de ce contrat en pleine maturité et d’en signer un nouveau, de prolonger ou de tenter une nouvelle expérience. Je trouve ça cool. Avant ça, j’ai fait un transfert de Nantes à La Gantoise et finalement de La Gantoise à l’EAG. Je coûte de l’argent apparemment, je ne savais pas (sourire)…

Comment ça s’est fait avec l’EAG ?

Ce n’est pas moi qui ai trop choisi c’est plus le club (KAA Gent) qui m’a un peu jeté. On ne voulait plus de moi là-bas, je ne sais pas pourquoi car je n’ai pas joué… Quand tu as un directeur sportif qui essaye de te faire partir dans ton dos et que tu n’es pas au courant, au final, j’ai l’impression que personne ne me voulait. Ils ont fait des pieds et des mains l’été dernier, puis cet hiver pour qu’au final je me retrouve à jouer 4 matchs. Je ne sais pas trop, c’est comme ça le foot. Puis il y a deux semaines mon agent m’a appelé. Il m’a dit qu’il fallait que je fasse mes cartons, j’ai demandé pour aller où ? Il m’a dit en Ligue 1 à Guingamp. J’ai dit « D’accord ! Mais si le club me veut il faut que quelqu’un m’appelle pour que je sache sur quel pied danser. » Le coach Antoine Kombouaré m’a appelé et ça s’est super bien passé. De là j’ai dit « OK, on signe. » Ça s’est fait en deux jours. J’étais en vacances à l’étranger, j’ai signé de là-bas, envoyé par mail et voilà.

Tu voulais partir de La Gantoise ?

Non, je partais pour reprendre en Belgique, après les vacances. Mais avec mon agent on se disait que si on peut partir on part, sachant que l’autre (le directeur sportif) cherchait à nous faire fuir. On savait que s’il y avait une porte de sortie, on la prendrait. Elle s’est présentée, je n’ai pas cherché midi à quatorze heures. C’était déjà cool pour moi qu’il y ait quelqu’un en Ligue 1 qui me veuille. Quand tu n’as pas joué au cours des derniers mois ce n’est pas toujours facile donc je préférais saisir l’opportunité plutôt que d’attendre encore et peut-être ne jamais pouvoir revenir ou être oublié.

Lorsque ton départ s’est fait, est-ce que tu as eu une explication avec le club, avec Michel Louwagie ?

On ne s’est pas expliqués avec le directeur sportif. Moins j’ai affaire à lui, mieux je me porte, et le coach encore moins. Là-bas, ils ne parlent pas, ils s’en moquent. Ils ne parlent que dans ton dos, ce sont des hypocrites. Hein Vanhaezebrouck se fait passer pour un grand coach mais il entrainait une petite équipe avant. Il a fait la Ligue des Champions donc il se prenait pour je-ne-sais-qui…

La Gantoise ne t’a rien apporté ?

Footballistiquement, je ne retiendrai rien, je n’ai rien appris tout simplement. Tactiquement ce n’est pas très au point là-bas. Il n’y a pas trop de défense mais les joueurs se donnent à 100% sur le terrain, sans chichis. J’ai eu de la chance car on jouait dans un vrai stade avec un beau public. Je dirais que c’est une expérience enrichissante car il ne faut retenir que du positif mais c’était surtout hors foot. J’ai rencontré plein de joueurs intéressants, de cultures différentes, au club ça parlait anglais et ça m’a permis de perfectionner cette langue au quotidien. C’était sympa.

Tu as regretté d’avoir quitté Nantes ?

Je ne regrette pas d’être parti. Au moment où j’ai pris cette décision, j’étais sûr de moi. Je voulais un nouveau challenge, j’avais la possibilité de jouer la Ligue des champions et je découvrais un autre championnat. La Jupiler League est décriée mais il y a de bonnes équipes, sachant que j’évoluais dans le top 5, c’était important pour moi de trouver autre chose, me renouveler plutôt que de rester dans un confort. Qui m’aurait offert la possibilité de jouer la Ligue des champions en France ? À part Paris qui la joue ? Lyon, Monaco, c’est mort. Après on essaye de saisir les opportunités quand elles se présentent. Là, il fallait que je la saisisse. Alors j’ai parlé avec tout mon entourage, les joueurs que je connais. Ils m’ont tous dit la même chose. Puis Nantes, ça allait mais au bout d’un moment, on a fait le tour. Ça faisait trois ans qu’on jouait le maintien, à un moment, t’as envie de voir et découvrir autre chose. C’est pour tout ça que je suis parti et je ne regrette pas du tout…mais je suis content de revenir quand même !

Entre temps il y a eu le départ de Michel Der Zakarian du FC Nantes…

J’ai toujours eu une relation saine et cool avec lui, ça s’est toujours bien passé. C’est quelqu’un que j’apprécie, que je trouve vraiment très gentil et je pense qu’il m’appréciait aussi pour l’homme que je suis. Il m’a apporté un peu plus de rigueur car je partais n’importe où sur le terrain quand je suis arrivé, même si j’ai encore du mal à me canaliser.

Nantes t’a beaucoup apporté…

Le club m’a apporté de l’expérience car mine de rien, ils m’ont beaucoup fait confiance, que ce soit en Ligue 2 ou en Ligue 1, j’ai joué plus des 3/4 des matchs. Surtout ils m’ont apporté du bonheur et c’est important le bonheur pour progresser. Et je pense avoir progressé en tant qu’homme et en tant que joueur. J’ai fait de belles rencontres, notamment Bruno Baronchelli, le coach adjoint et je me suis fait plein de potes là-bas, dans le foot, en dehors, ça restera trois belles années.

J’ai forcément hâte de retrouver Nantes sur le terrain même si avec toutes les recrues, ce ne sera plus l’équipe que j’ai connu. J’ai surtout hâte de jouer à la Beaujoire, ce sera avec beaucoup de plaisir et sûrement beaucoup d’émotion. J’espère être bien accueilli (sourire) on ne sait jamais, tu peux être apprécié et une fois que tu pars… M’enfin, y a pas de raison !

L’EAG sort de six ans d’ère Gourvennec, tu arrives dans un nouveau projet…?

Oui c’est un nouveau projet, il y a de nouveaux joueurs qui arrivent. Le nouveau centre de formation est prêt et ils ont rénové le stade avec une nouvelle pelouse. Le projet de Guingamp me plaît, je ne signe pas par dépit, c’est la première proposition que j’ai eue et le mercato n’était pas encore ouvert.

Avec un nouveau coach qui te voulait…

Mes agents m’ont proposé à lui et il a accepté tout de suite. Il m’a dit que j’étais son choix numéro un mais que si je n’étais pas sûr de moi, il passerait à d’autres dossiers. C’est quelqu’un de franc de direct et d’honnête donc c’était important aussi pour moi de retrouver ces aspects là, ce côté humain que j’avais un peu perdu ces derniers mois… Avec les gens à qui j’avais affaire, ce n’était pas tout le temps facile. Antoine Kombouaré sait ce qu’il veut au moins. En tant que coach, il a toujours eu des résultats et on a un point commun, c’est qu’il a joué à Nantes.

Est ce qu’on attend des garanties après une expérience comme la tienne en Belgique ?

Des garanties, tu n’en as jamais même si le coach te dit que tu es là pour jouer. Si au bout de cinq matchs, t’es pas bon, il fait comme tout le monde, il te sort. Je n’ai pas perdu de rythme sur la fin de saison et j’ai toute la prépa pour me remettre dedans, ça ne m’inquiète pas plus que ça.

Quelles ont été tes premières impressions là-bas ?

Déjà la Bretagne, c’est une région que j’aime bien et là c’est la vraie Bretagne. Je suis persuadé que ça va être cool, calme, reposant et Bertrand Desplat, le Président, m’a fait aussi une belle impression quand je suis arrivé. Ils étaient heureux de m’avoir donc quand tu sens que tes interlocuteurs sont heureux de t’avoir et de te découvrir, ça fait plaisir et tu as encore plus envie de te défoncer pour eux. Tu sens que le club est familial. En plus je n’ai jamais vraiment vécu de parcours en Coupe alors j’aimerais bien essayer d’aller plus loin avec l’EAG. C’est vrai que sur les dernières années le club a participé à pas mal de finales et a gagné deux Coupes de France. C’est ce qui permet de remettre du baume au coeur. Des fois quand ça va pas c’est sympa d’avoir les Coupes à jouer.

Et les objectifs du club pour la saison à venir ?

Je ne sais pas, on verra ce que dira le coach dans quelques jours. Retrouver la Ligue Europa ou pas, mais bon je ne m’attends pas non plus à jouer la Ligue des champions. Déjà que le club se maintienne, se pérennise et puis qu’on continue de progresser en grappillant des places chaque année au classement.

…Et tes objectifs personnels ?

Pour la saison qui arrive, j’espère prendre du plaisir, jouer un maximum de matchs, atteindre les objectifs du club. Et puis retrouver le goût au football car il y a des fois je t’avoue que j’avais plus envie. Je me levais le matin… Je n’avais plus trop envie d’aller à l’entraînement. Quand tu en arrives à ce point-là, c’est qu’il faut changer quelque chose. 

En 2013, quand tu es arrivé en Ligue 1 avec Nantes, tu étais annoncé comme une des révélations de la saison…

J’avais, à l’époque, ramené un peu de fraîcheur avec ma personnalité, je pense, et les deux-trois punchlines que j’avais pu lâcher dans la presse. On était l’équipe-surprise avec des joueurs qui se démarquaient un peu du lot même si le collectif était relativement homogène. Après, quand le soufflet retombe, une fois que les gens te connaissent, ils sont moins surpris. Ils savent tes qualités, ils attendent toujours plus. Je pense que c’est là où je n’ai pas réussi à hausser le niveau comme je l’aurais souhaité même si je suis satisfait de ce que j’ai fait.

Comment on hausse son niveau selon toi ?

Ça marche beaucoup à la confiance, tu regardes un joueur comme Payet, tu vois la saison qu’il fait, il est en feu. Dès qu’il met une frappe c’est soit but soit poteau/barre. C’est une question de bien se sentir, dans un bon environnement, quand tout roule à côté, ça se ressent sur le terrain, avec le coach et les partenaires.

Et à Guingamp tu as été mis en confiance…

Par rapport au coach, au Président, les mots qu’ils ont eus, je sentais vraiment de la sincérité. Des fois, à la tête des mecs, tu peux douter mais là franchement pas. Après, c’est à moi de bosser et j’espère que ça va le faire. J’ai continué à me préparer en vacances, je n’ai pas arrêté. Des footings à Santa Monica, mais bon que ce soit à Reims ou à Santa Monica, c’est pareil, ça reste un footing ! Je me prépare à faire une belle saison avec un nouveau challenge, de nouveaux objectifs. C’est excitant.

Tu vas retrouver une Ligue 1 sans Reims, ton premier club et la ville où tu es né…

Si Reims est descendu c’est qu’ils méritaient de descendre. Je ne peux rien y faire. Quand je suis monté avec eux, ils ne m’ont pas gardé ! Après, c’est la vie, les clubs montent, les clubs descendent, ils gagnent, ils perdent, c’est comme ça. Mais bon, s’ils en sont là, c’est qu’à un moment donné, une erreur a été faite et je pense qu’ils en sont conscients. D’un côté, ça m’attriste pour la ville, de l’autre, ça ne m’affecte pas plus que ça, ça ne me touche pas directement dans mon parcours sportif, je continue mon petit bonhomme de chemin.

Tu me parlais de ta personnalité et de tes deux-trois punchlines, c’est vrai que tu as ce côté provocateur ?

Mon côté punchline dépend de mon humeur. Des fois, j’ai envie de dire des choses, d’autres fois je me tais. Ça dépend aussi de si je suis performant ou pas. Il faut prendre ça comme une qualité, je ne vois pas pourquoi je le prendrais comme un défaut. Il y en a parfois qui disent que je raconte n’importe quoi mais tout ce que je dis est censé. Après c’est dit d’une certaine façon mais ce n’est jamais balancé dans les airs comme ça.

Il y a même des fois où je balançais des trucs pour me foutre d’eux mais ils n’arrivaient pas à le voir. Ça me faisait marrer. Les journalistes nous font parfois passer pour des blaireaux alors que je ne pense pas que leur QI soit forcément plus élevé que le nôtre. Donc je me régale là-dessus. À la fin des interviews, je me rends compte qu’ils ne relèvent pas ce qui est ironique. Là, je me dis qu’ils balancent sur les footeux mais ils ne sont pas mieux que nous. Mais je ne leur dis pas, je laisse. À partir du moment où je me marre de mes conneries, je suis content.

Que peut-on te souhaiter pour finir cet entretien ?

Du bonheur ! En général quand on me donne du bonheur, j’arrive à le rendre plutôt bien alors j’espère que ce sera le cas. C’est un échange.

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