Le portrait du jour : Didier Deschamps

Le portrait du jour : Didier Deschamps
Didier Deschamps et son fidère adjoint Guy Stephan / DR

Didier Deschamps a été un grand joueur. Didier Deschamps est un grand entraineur. Deux affirmations pour autant de vérités. Le sélectionneur de l’Equipe de France est un battant, un leader et un gagnant, autant de choses qui ont fait de lui le footballeur français le plus titré de l’histoire. Et demain face au Portugal, DD va encore avoir l’occasion de garnir ses étagères.

Leader dans toutes ses équipes

Né à Biarritz le 15 octobre 1968, le jeune Didier Deschamps est d’abord attiré - Sud-Ouest oblige - par le rugby et la pelote basque. Mais trop court physiquement, il se reporte vers le football. Une bonne idée puisque très vite le jeune milieu de terrain brille par son sens du placement et de la tactique et attire les convoitises de plusieurs centres de formation. C’est finalement celui du FC Nantes qui l’emporte et à 14 ans, le petit DD s’envole pour le Pays de la Loire et s’impose comme leader chez les jeunes. Seulement trois ans plus tard, Deschamps commence à jouer avec les pros. Une ascension fulgurante pour un joueur pourtant ni particulièrement technique ni doté d’un physique impressionnant. Tout est dans la tête, dans la science de l’interception et surtout dans la gnaque. Lorsque Deschamps est sur le terrain, il se donne entièrement pour son équipe, plaçant ses coéquipiers, allant au combat tête haute et ne lâchant pas son adversaire. Il sera à seulement 20 ans nommé capitaine de son équipe, preuve de l’importance du milieu de terrain dans le groupe avec qui il communique en permanence.

Après deux premiers échecs avec une finale de Coupe Gambardella perdue et une place de vice-champion avec les pros, DD lâche la Baujoire pour le public encore plus chaud du Vélodrome. Au milieu des stars de Tapie, le jeune homme souffre d’une forte concurrence et s’exile en prêt une année à Bordeaux, mais à son retour, c’est un autre homme. Son coéquipier à Bordeaux, Christophe Dugarry expliquera au micro de Canal+ Sport qu’à son arrivé, Deschamps s’impose: « De suite, il s’occupe de tout. Il a envie de prendre des responsabilités. Il s’occupe un peu de tout, il participe à toutes les discutions et aux entraînements, il râle quand ça ne va pas et il replace ». Revenu du côté de la Canebière, Deschamps assume son rôle à merveille et devient l’un des meilleurs récupérateurs d’Europe avant de devenir capitaine à la place de Bernard Casoni. Avec l’OM, le numéro 11 glanera au total trois titres de champion de France (1990, 1992, 1993) et surtout sa première Ligue des Champions dont il devient le plus jeune capitaine à la soulever. Suite au scandale de l’affaire OM-VA, Deschamps quitte Marseille à regret pour la Juventus Turin qui a du mal a exister à côté du mastodonte qu’est alors le Milan AC. Même s’il n’est pas titulaire indiscutable, DD et sa nouvelle équipe remportent le doublé coupe-championnat dès la première année. Et ce n’est que les prémices de son aventure italienne puisqu’associé à Antonio Conte, le Basque devient le relais sur le terrain de Marcello Lippi qui fait des deux hommes le duo de milieu de terrain le plus complet au monde. Ensemble, ils vont gagner deux autres championnats (1996, 1997) ainsi que les Supercoupes d’Italie en 1995 et 1997, mais surtout la Ligue des Champions en 1996 face à l’Ajax ainsi que la Supercoupe d’Europe en humiliant le PSG 9 buts à 1 en finale aller-retour. Leader de l’équipe, Didier Deschamps est toutefois malheureux à trois reprises avec son club puisque la Juve perd en finale de Coupe de l’UEFA (1995) avant de perdre deux fois d’affiler en finale de C1 contre Dortmund et le Real (1997, 1998).

Joueur adulé et respecté de tous, Deschamps fini par être libéré de son contrat par la Juve et rejoint le Chelsea de son ami Desailly en 1999. Là encore et comme à son habitude, DD s’impose comme le leader moral de son équipe et l’emmène glaner un titre: la coupe d’Angleterre. Malgré un statut indiscutable, celui qui vient de remporter l’Euro 2000 s’en va relever un dernier défi du côté du FC Valence en Liga. Vieillissant et devant faire face à une rude concurrence, il prend tout de même part à 21 rencontres et atteint de nouveau la finale de Ligue des Champions, sa cinquième, mais s'incline aux tirs-au-buts face au Bayern Munich pour ce qui sera le dernier match d’une carrière pleine.

Une reconversion avec toujours la même volonté: gagner

Après avoir animé pendant quelques mois, une émission télé, l’envie de retrouver les terrains se fait trop forte et lui qui avait passé les diplômes alors qu’il était encore joueur, devient l’entraineur de l’AS Monaco. Deschamps qui n’a pas peur de commencer par un des meilleurs clubs français va avoir le droit à des débuts difficile, n’évitant la relégation qu’à quelques journées de la fin. Mais cette première saison mitigée n’était qu’un entraînement pour celui qui va porter le club du Rocher à la seconde place du classement l’année suivante à seulement un petit point du champion lyonnais. Insufflant la rage de vaincre à un groupe qu’il a lui-même modelé, Didier Deschamps remporte en 2003 la Coupe de la Ligue contre le FC Sochaux, pour ce qui est son tout premier trophée en tant qu’entraîneur. Mais la véritable prouesse du coach monégasque cette saison-là va être d’emmener son équipe jusqu’en finale de la Ligue des Champions après avoir éliminé le Real Madrid en quart de finale ou encore Chelsea en demi. Si l’ASM perd 3-0 face au FC Porto de José Mourihno, la Desch a réussi son pari: se faire un nom en tant que coach. La preuve en est avec ses titres de meilleur entraineur français de l’année décerné en 2003 par France Football et en 2004 par l’UNFP.

Malgré la perte de plusieurs de ses cadres, DD parvient à de nouveau accrocher le podium la saison suivante avant de se faire licencier en septembre 2005. Mais le coach français ne compte pas en rester là et après quelques mois de repos, il prend les rênes de la Juventus Turin avec qui il a tout gagné en tant que joueur et qui vient d’être rétrogradé en Serie B après le scandale des Calciopoli. En seconde division, le Basque peut s’appuyer sur un noyau dur des stars turinoises ayant fait le choix de rester (Buffon, Camoranesi, Trezeguet, Nedved, Del Piero …) et une nouvelle fois, l’équipe de Deschamps s’impose puisqu’elle finit sacrée championne de Serie B à l’issue de la saison. S’attendant à mener de nouveau son équipe dans l’élite la saison suivante, il est finalement contraint de partir après un conflit avec sa direction. Échaudé par ce départ forcé, l'entraîneur souhaite se poser et profiter de sa famille, il devient alors consultant pour Canal+ durant deux ans.

Mais en 2009, le club avec qui il a écrit l'une des plus belles pages du football français se retrouve sans entraîneur et Pape Diouf son président trouve les mots justes. Deschamps signe alors à l'Olympique de Marseille en tant qu'entraineur, 15 ans après son départ en tant que joueur. Dans ce club qu'il connaît si bien, la situation est compliquée. Le club n'a plus gagné le moindre titre depuis 1993, le propriétaire Robert Louis-Dreyfus vient de décéder et Jean-Claude Dassier à remplacé Pape Diouf à la présidence. Pas de quoi perturber le compétiteur qu'est la Desch ! Dès son arrivée, il réclame une dizaine de joueurs dont des stars comme Lucho Gonzales, Gabriel Heinze ou encore Fernando Morientes. Cette arrivée massive de joueur de talent plaît aux supporters marseillais qui vouent pour la plupart une confiance aveugle en Didier Deschamps, lui qui les a menés sur le toit de l'Europe. Et grand bien leur face puisque le nouveau coach ne met pas longtemps à enflammer le Vélodrome grâce à un jeu léché, spectaculaire et plein de maîtrise même si au début les résultats sont mitigés.

Mais au bout de quelques mois la mayonnaise va prendre et l'OM devient une machine inarretable, poussé par le sens de la gagne légendaire de son coach qui sait gérer les esprits pour que chacun garde les pieds sur terre, n'hésitant pas à se chauffer avec les plus nerveux du groupe comme Hatem Ben Arfa ou Matthieu Valbuena. Deschamps gère ses joueurs d'une main de maître et pousse son équipe à jouer sur tous les fronts avec la même intensité. Et cela paie, après 17 ans de disette l'OM remporte le triplé Championnat-Coupe de la Ligue-Trophée des Champions. Jamais rassasié de titre, l'ancien capitaine voit certes son équipe terminer vice-championne l'année suivante, mais surtout gagner de nouveau la Coupe de la Ligue et le Trophée des Champions. Bien qu'il ait refait de l'OM le club le plus fort de France, Didier Deschamps commence à être critiqué en interne notamment par José Anigo qui va petit à petit devenir son ennemi, n'hésitant pas à mettre des bâtons dans les roues de la personne qui a su ramener 5 titres sur 8 possibles en deux saisons.

Pourtant, DD la Gagne choisie de rester dans ce club qu'il chérit, et même si de nombreux joueurs sont parti. Gangrené par la guerre interne que se livrent Deschamps et Anigo, l'équipe ne tourne plus rond et s'effondre en championnat, terminant à une piteuse 9e place. Mais comme toujours avec le natif de Biarritz, même quand ça va mal, il ne peut s'empêcher de gagner et de battre des records. Ainsi, l'OM va remporter pour la troisième année de suite la Coupe de la Ligue au détriment de l'OL et réaliser un parcours européen de haute volée en éliminant notamment l'Ajax et l'Inter, finissant par être éliminé en quart de final par le futur finaliste, Le Bayern Munich. Usé, isolé et rejeté par une parti du Vélodrome qui a choisi le camp d'Anigo, DD quitte l'OM pour prendre le poste de sélectionneur de l'Équipe de France laisse vaquant par son pote Laurent Blanc, non sans avoir de nouveau écrit l'histoire de l'OM.

Clairefontaine comme seconde maison


Déjà cadre dans son équipe du FC Nantes, Didier Deschamps connaît sa première cape en sélection nationale le 29 avril 1989 face à la Yougoslave (0-0), à seulement vingt ans. Ses débuts en sélections ne vont toutefois pas être de tout repos puisque le jeune joueur tombe dans une des périodes noirs de l’Équipe de France avec les qualifications manquées pour les Coupes du Monde 1990 et 1994 ainsi que l’élimination précoce dès le premier tour au Championnat d’Europe 1992. Mais à cette époque-là, le Nantais ne s’est pas encore imposé comme un titulaire indiscutable et le séisme provoqué par le France-Bulgarie de 1993 va placer le milieu de l’OM comme la pierre angulaire de l’EDF pour le futur.

Suite à l’éviction d’Eric Cantona du groupe France en 1995, Aimé Jacquet teste plusieurs de ses joueurs en tant que capitaine, mais au final, c'est DD la Gagne, récent vainqueur de la Ligue des Champions avec la Juve, qui devient le capitaine définitif de l'EDF à partir du 1er juin 1996 lors d'un match contre l'Allemagne. Brassard au bras, le numéro 7 des Bleus va être le relais parfait sur la pelouse pour Aimé Jacquet qui façonne son groupe en vue de la Coupe du Monde 98 à la maison. Véritable leader moral de l'équipe, le joueur Turinois, par son expérience, parvient à canaliser ses coéquipiers à l'approche du tournoi, n'hésitant pas à en recadrer ou au contraire à les transcender, toujours dans le but de la victoire finale et durant toute la compétition, le capitaine harangue ses coéquipiers jusqu’à remporter son premier trophée officiel avec les Bleus.

Hésitant à mettre un terme à sa carrière internationale sur ce titre, DD fini par être convaincu de pousser au moins jusqu’à l’Euro 2000. Et de nouveau, c’est une décision lourde de conséquence puisque bien que sur le déclin, le Basque apporte à son équipe ce qu’il sait faire de mieux: sa rage de vaincre. Au final, la France remporte le Championnat d’Europe en battant l’Italie au cours d’un match fou avec le but de l'égalisation dans les toutes dernières minutes du match. Et nul doute que l’état d’esprit de la Desch a contribué à ce retournement de situation, lui qui jamais n’a lâché, houspillant ses troupes pour qu’elles poursuivent leurs efforts même quand la victoire italienne semblait acquise.

Un vrai moral de guerrier en somme que depuis quatre années tout rond, l’ancien capitaine essaie d’inculquer à ses joueurs lorsqu’il les convoque dans sa deuxième maison, Clairefontaine. Après les échecs de Domenech et - dans une moindre mesure - Laurent Blanc, Didier Deschamps a trouvé une Équipe de France au plus bas, que ce soit moralement, tactiquement, techniquement ou même dans sa relation avec ses supporters. À ce moment-là, l’objectif annoncé par la FFF est à court terme puisque l’on demande au nouveau sélectionneur tricolore de qualifier son équipe pour la Coupe du Monde 2014 puis lorsque ça sera fait, d’aller le plus loin possible. Mais le but véritable n’est pas la compétition brésilienne, c’est l’Euro 2016 qui se profile à l’horizon et la France qui reçoit ne peut se permettre de faire mauvaise figure. En juillet 2012, à sa nomination, DD a alors un peu moins de quatre ans pour forger un groupe capable de remporter l’Euro et écrire l’histoire.

Pour cela, le duo Didier Deschamps-Guy Stephan, son fidèle adjoint, va tester pas moins de 57 joueurs et faire face à l’éclosion soudaine de jeunes joueurs et de nombreux troubles internes. Mais pas de quoi leur faire peur, la Desche sait comment gagner et mener un groupe dans la bataille. Le meilleur exemple en est ce match de barrage pour la Coupe du Monde, en novembre 2013. Ce soir-là, les Bleus vont se montrer à l’image de leur coach en renversant tout sur leur passage à la seule force de volonté. Défait 2-0 en Ukraine au match aller, les Français doivent s’imposer 3-0 pour se qualifier pour le Brésil. Improbable. Et pourtant, au terme d’un match de folie, durant lequel l’engagement est total, l’EDF parvient à réaliser l’exploit avec notamment un doublé de Mamadou Sakho. La folie. Au Brésil, l’aventure se terminera en quart de finale, battue 1-0 par le futur champion du monde allemand, la France a toutefois trouvé une ossature jeune et brillante qui promet pour l’avenir avec Varane, Pogba et Griezmann notamment.

Au sortir de la CDM, deux longues années de matchs amicaux, mais pourtant DD parvient, globalement, à conserver l’envie de gagner de ses joueurs, les poussant de plus en plus à l’approche de l’Euro et n’hésitant pas à s’appuyer sur des novices. Après une phase de poule digne de son coach, pas forcément spectaculaire ou beau mais rudement efficace, la France fait preuve d’un énorme caractère pour renverser la vapeur face à l’Irlande en 8e (2-1) avant de dérouler en quart face à l’Islande (5-2). La demi-finale en guise de revanche face à l’Allemagne est là aussi un modèle de combativité et de mental, les Français reculant beaucoup, mais ne cédant jamais. Un match digne de DD en attendant l’apothéose demain en finale face au Portugal pour que ce soit toute la compétition qui ressemble au sélectionneur avec une volonté à toute épreuve pour renverser des montagnes et ramener des trophées. Car quatre ans sans remplir son étagère pour Deschamps, cela doit paraitre bien long.

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