N’Golo ne l’a clairement pas volée

N’Golo ne l’a clairement pas volée
N’Golo Kanté a fait ses classes chez les pros avec le Stade Malherbe de Caen (Icon Sport)

Leader de Premier League avec Leicester, N’Golo Kanté vient de faire une entrée fracassante dans le monde de l’équipe de France. Vous ne le connaissez pas ? Cet article est donc fait pour vous. Rien de mieux après tout qu’un suiveur du Stade Malherbe et de la Premier League pour vous raconter quel joueur incroyable est l’ancien Caennais.

Cet article est un témoignage très personnel sur le nouveau joueur de l'équipe de France, N'Golo Kanté :

Voir N’Golo Kanté sélectionné en équipe de France pour la première fois n’a rien de surprenant. Autant le dire tout de suite. Si beaucoup de médias en parlent comme étant la sensation absolue de la dernière liste de Didier Deschamps, il y a un peuple que cela ne fera pas tomber de sa chaise : les suiveurs du Stade Malherbe de Caen, dont je fais partie depuis tout jeune. Je me souviens assez bien de son premier match contre Dijon au Stade Michel d’Ornano, le 27 juillet 2013. Il arrivait de Boulogne-sur-Mer auréolé de la réputation de meilleur joueur du championnat de National. On parlait de lui dans les travées du stade comme d’un joueur athlétique infatigable et ceux qui avaient eu la chance de le voir évoluer lors des matchs amicaux de pré-saison disaient qu’il était « intéressant ». Comme avaient pu l’être avant lui pour moi à Caen des Yohan Mollo, des Rémi Gomis ou des Elliott Grandin. Rien de quoi m’impressionner en somme. De même que le meilleur joueur de Ligue 2 devient rarement la star de la L1 quand il y fait ses débuts, il n’y avait pas de raison pour que le natif de Paris mette la L2 à ses pieds. National – Ligue 2, il existe quand même un écart.

Aux côtés de Jérôme Rothen et Laurent Agouazi, entre autres, Kanté fait donc ses débuts chez les pros sous mes yeux. Je ne vais pas aller jusqu’à dire qu’il m’a fait me lever de mon siège dès sa première sortie mais je me rappelle être sorti du stade en me disant tout simplement « costaud le petit, pas mal ». Il sort ainsi de son premier duel professionnel avec à la clef une passe décisive pour Jonathan Kodjia qui attire alors tous les regards des supporters caennais au même titre que Rothen. Dans l’ombre, Kanté grandit au point de ne jamais sortir du onze caennais : 38 matchs, 38 apparitions pour l’ancien joueur de Boulogne qui illustre plus que quiconque dans ce championnat de Ligue 2 2013-2014 la notion redondante de « pièce maîtresse ». En fait, sans sa présence, je ne suis pas persuadé outre mesure que le Stade Malherbe aurait été cherché sa montée en Ligue 1 et qu’il serait aujourd’hui bien calé dans la première partie de tableau de l’élite. Comme Leicester aujourd’hui, le Stade Malherbe est devenu Kanté-dépendant et les courbes de l’équipe ont épousé celles du gamin de Suresnes.  Par chance : le joueur a une santé de fer, ne se blesse jamais et – surtout - grandit à une vitesse phénoménale.

Il termine sa saison professionnelle sur une satisfaction collective, la montée dont je viens de parler, mais également une place dans l’équipe-type de la saison de Ligue 2 aux trophées UNFP. Pas mal pour un joueur qui vient du National et qui pouvait à mon sens prétendre au titre de joueur de l’année (finalement gratté par Diafra Sakho avec le champion messin). Sauf que Kanté se cantonne à ce qu’on a coutume d’appeler le travail de l’ombre, une tâche qui prive souvent de récompenses individuelles plus facilement orientées vers les buteurs. Des gens qui apprendront sa sélection en équipe de France, beaucoup ne le connaissent pas. Alors je vais vous en dire plus.  Il a beau porter le mot « gol » dans son prénom (« but » en espagnol), N’Golo Kanté n’est pas un buteur, loin s’en faut. Avec six petits pions marqués en quatre-vingt deux sorties caennaises, le milieu de terrain n’en a marqué qu’un avec Leicester à ce jour. S’il réalise quelques passes décisives ou pleines d’incidences dans le jeu, le joueur se fait surtout remarquer par son rôle unique. Une sorte de mix entre des essuie-glaces et une auto-tamponneuse. Avec la précision d’un arc et l’agilité d’un élastique en plus. 

Le petit est devenu immense

En Ligue 1, quand commence sa saison 2014-2015 avec le Stade Malherbe de Caen, je me réjouis que le club ait pu le conserver. S’il n’est pas très médiatisé, les bruits de couloir circulent déjà à d’Ornano et les spécialistes de la Ligue 2 n’ont pas manqué de le découvrir. Le contrat avec Caen est pourtant clair : le joueur poursuit l’aventure au moins une saison et se forme au plus haut niveau avec les rouge et bleu. Je ne crois pas que ce plan ait contrarié N’Golo, je crois même que c’était dans la suite logique des choses. Avec Malherbe la saison passée, le joueur fait ce qu’il sait faire de mieux : gravir un nouvel obstacle, plus haut, avec calme, décontraction et un brin d’insolence positive. Il marque le premier but de la saison caennaise à Evian (0-3) lors du premier match et récidive à Reims deux semaines plus tard (0-2). S’il restera muet jusqu’au bout de la saison, il s’appropriera à merveille son rôle de récupérateur dans l’entrejeu malherbiste. Dans les moments plus difficiles, Patrice Garande peut alors compter sur lui et si le club - lanterne rouge après la phase aller - refait surface passée la trêve hivernale, c’est parce que le milieu de terrain bas-normand exploite à pleine mesure les avantages du jeu de Kanté, à l’image de ce que fait actuellement Leicester.

Un match en particulier me revient à l’esprit. Un Caen-Sainté au cœur de l’hiver où j’assiste à une démonstration de Kanté. Dans le milieu de terrain, il est le plus incisif et le plus adroit. Désintéressé par les mises en place d’offensives, il se contente d’empoisonner la vie de Clément et Lemoine en ne leur laissant aucune latitude et en les agressant sans relâche. Il y a du Makélélé dans la manière dont Kanté gère ses efforts pour exploiter sa puissance physique, c’est une évidence, et il y a évidemment chez lui une impressionnante endurance. C’est peut-être ses deux principaux atouts. Meilleur tacleur des cinq principaux championnats la saison dernière, il s’amuse avec Malherbe en fin de saison et finit par décrocher avec son club un maintien qui semblait inespéré. L’inéluctable se pose alors pour les supporters bas-normands : nous savons qu’il ne va pas rester. Il va s’envoler pour Lyon ou Marseille, deux clubs qu’il a martyrisés au cours de la saison. Je m’attends même à voir entrer Paris dans la danse parce qu’à côté de Verratti et consorts, je me dis qu’il donnerait une belle gueule au milieu du PSG.

Finalement, le Caennais s’en va rejoindre Leicester pour la somme de 9 millions d’euros qui aura eu raison des forces financières françaises. La somme considérée à l’époque comme outrageusement élevée pour un footballeur qui n’a rien joué d’autre que le maintien ne me semble alors pas si usurpée que ça. Au regard du marché d’alors et de la qualité du joueur, je me dis que Caen tient sa récompense financière et Leicester son petit bijou. La saison de Premier League, le nouveau gros test de Kanté, démarre alors et je m’étonne de voir l’ancienne pépite de d’Ornano cirer le banc lors des premières rencontres. Claudio Ranieri l’a voulu alors pourquoi ne pas le faire jouer ? Sans lui, Leicester initie la fougue et remporte ses premières rencontres. Lancé pour des petits bouts de match, le Parisien de naissance de tarde alors pas à faire la différence. Il est la valeur ajoutée des Foxes, la recrue que personne ne connaissait agite ses trois poumons sur la pelouse à chaque sortie et offre à son club un second souffle dans son incroyable championnat. Dans le sillage et même encore mieux de ses performances caennaises. Qu'ils s'appellent Manchester United ou Chelsea, personne ne lui résiste outre-Manche. Et le meilleur tacleur de la saison passée conserve ce titre très honorifique. Incroyable, non ?

Exilé en Angleterre, j’observe les suiveurs autour de moi s’extasier devant les performances toujours plus incroyables du petit lutin de Suresnes. Les Anglais ne connaissaient pas Kanté, peut-être même pas Caen en début de saison. Désormais, tous connaissent le roi N’Golo qui a encore une fois grandi dans l’ombre des joueurs décisifs que sont Mahrez et Vardy. Les Foxes seront selon moi champions et ils le devront alors en partie à Kanté. Il a constamment prouvé que lorsque son pic de forme était ascendant, le reste de l’équipe épousait sa courbe. Et ça n’a certainement pas échappé à Didier Deschamps ces derniers jours. Le petit colosse (1m69) a visiblement cette capacité – je me répète – à relever n’importe quel défi. A l’heure où Yohan Cabaye disparaît petit à petit des écrans radars, la voie en Bleu est royale pour l’ancien joueur de Caen. Il serait en tout cas le joker idéal du groupe des 23 en juin prochain. Des joueurs qui peuvent changer le visage d’un groupe entier, surtout à ce niveau, il n’en existe pas 100. Et vous pouvez me croire sur parole, celui-là est unique.

Mais encore une fois, cela n’a rien de surprenant. Dans quelques jours, vous le verrez par vous-même.

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