Euro 72 : Quand le football triomphe sur la guerre froide

Euro 72 : Quand le football triomphe sur la guerre froide
En demi-finale de l'Euro 1972, l’Union Soviétique domine la Hongrie 1-0

Fort du succès de la dernière édition, l’Euro 1972 se déroulera de la même façon que 4 ans plus tôt, avec une phase éliminatoire sous forme de matchs de poules (aller-retour). Ce quatrième volet ne souffrira d’aucune polémique ni d’aucun incident majeur. La finale entre la RFA et l’URSS se jouera tout de même sous fond de guerre froide et marquera la fin de l’âge d’or Soviétique dans le football.

L’organisation des qualifications à l’Euro 1968 en Italie ayant donné entière satisfaction, les 32 équipes inscrites s’affronteront à nouveau dans un système similaire. 8 poules de 4 équipes se rencontrent en match aller-retour. Les 8 vainqueurs sont qualifiés pour les quarts de finale (aller-retour également) avant que les 4 équipes restantes se rejoignent pour le tournoi final organisé chez l’une d’elle.

Cette fois, les meilleures nations du foot Européens sont présentes. La RFA de Beckenbauer, les Pays-Bas de Cruyff, la redoutable Union Soviétique, l’Angleterre, l’Italie (tenante du titre), la Hongrie etc… une longue liste d’équipes postulent au dernier carré. La France de Georges Boulogne (composée de joueurs comme Marius Trésor et quelques Stéphanois comme Revelli) a son mot à dire et se retrouve dans la poule des redoutables Hongrois, en compagnie de la Norvège et de la Bulgarie. Avec notamment une victoire à Budapest, le renouveau tricolore est en marche. La qualification passe par une victoire en Bulgarie pour dépasser les Hongrois au classement. Mais l’exploit n’aura pas lieu et les Bulgares se paieront même le luxe de battre les Français 2-1. Ces deux équipes se recroiseront d’ailleurs 20 ans plus tard, en France, dans le cadre d’une autre compétition avec le dénouement que l’on connaît...

La France ne verra pas les quarts de Finale donc, tout comme deux autres poids lourds du foot Européens. L’Espagne, vainqueur en 1964, finie logiquement second de sa poule derrière l’Union Soviétique. Mais la grosse surprise est l’élimination des Pays-Bas. Malgré la présence de Cruyff dans ses rangs, les Oranges finiront deuxième de leur poule devancés par des Yougoslaves impressionnant de régularité. Cette qualification est une petite victoire du bloc de l’Est sur l’Europe de l’Ouest. Cette rivalité entre les deux blocs n’a cessé de prendre de l’ampleur et certaines rencontres se déroulent inévitablement dans un contexte de guerre froide. Pour l’Union Soviétique par exemple, le football (le sport en général) a été un moyen de prouver la supériorité de l’idéologie communiste sur les nations de l’Ouest dites « capitalistes ». Un pays symbolise à lui tout seul ce « choc des cultures », la RDA. Depuis la fin de la guerre, l’Allemagne est divisée en deux. La République Fédérale Allemande (Allemagne de l’Ouest) et la République Démocratique Allemande (Est). Les deux pays sont séparés par le mur de Berlin. La RDA, dont le modèle économique et la politique extérieure sont calqués sur l’Union Soviétique, représente à elle seule la guerre froide et le conflit idéologique de l’époque. L’élimination du pays dans les éliminatoires de l’Euro est d’ailleurs mal vécue du côté de Moscou qui s’inquiète des performances de la RFA, qui n’en finit plus de briller.

Malgré tout, l’Union Soviétique elle, est bien au Rendez-vous des quarts de finale. Elle bat son voisin (et néanmoins ami) Yougoslave (0-0 ; 0-3) et se retrouve qualifiée pour le tournoi final tout comme la RFA qui bat l’Angleterre (1-3 ; 0-0) avec un match aller spectaculaire. La Belgique, après une surprenante victoire face à l’Italie, organisera la compétition et la Hongrie, qui s’est difficilement défait de la Roumanie (1-1 ; 2-2 ; 1-2) complètera le tableau.

Les demi-finales sont de haute volée mais les deux nations phares de l’époque réussiront tout de même à s’imposer. La RFA bat la Belgique 2-1 et l’Union Soviétique domine la Hongrie 1-0. Nous aurons donc bien droit à ce fameux « choc des blocs ». L’armée rouge, censée démontrer la supériorité du marxisme communiste de l’après-guerre face à la moderne Allemagne de l’Ouest, représentante du capitalisme ouvert et croissant. Niveau football, nous auront droit à une démonstration de force de la RFA de Beckenbauer. Cette équipe 72 est considérée par beaucoup d’observateurs Allemands comme la meilleure de tous les temps. Outre le Kaiser, on note la présence en attaque de Gerd Muller. L’attaquant Munichois, auteur d’un doublé lors de cette finale, est le joueur du moment. Uli Hoeness, Herbert Wimmer et 7 autres co-équipiers complètent cette équipe de rêve. En face, l’Union Soviétique ne peut que constater l’émergence de ces nouveaux talents. Ce match sera bien plus qu’une finale perdu. Il marquera la fin de l’âge d’or du football Russe. Vécu comme un affront, cette défaite entraînera un véritable désaveu du football dans l’Union Soviétique. L’équipe nationale ne suscitera plus le même intérêt et l’URSS va alors connaître une longue traversée du désert malgré la présence de certains très bons joueurs comme Oleg Blokhine (ballon d’or 75). Mais le véritable vainqueur de cette quatrième édition de l’Euro reste le football puisque l’ensemble du tournoi aura une nouvelle fois permis de rassembler les foules et le bon état d’esprit affiché par l’ensemble des nations (notamment lors de la finale) aura triomphé sur les considérations idéologiques et politiques de l’époque.

 

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