Euro 1976 : quand la « Panenka » devenait le symbole du communisme

Euro 1976 : quand la « Panenka » devenait le symbole du communisme
Antonín Panenka, footballeur international tchécoslovaque / DR

Cette cinquième édition de l’Euro sera la dernière à se dérouler sous forme de tournoi à 4 équipes, l’UEFA souhaitant allonger la phase finale. Il restera également comme l’un des plus indécis, avec trois matchs finissant en prolongation et une finale qui donnera lieu à une inédite et mythique séance de tirs au but. La Tchécoslovaquie va s’imposer à la surprise générale face à l’Allemagne de l’Ouest grâce à la célèbre « Panenka », qui deviendra un symbole du communisme.

Le championnat d’Europe des nations 76 se déroule donc avec la formule de poules de qualification (match aller-retour), débouchant sur une phase finale (à élimination directe) composée des 4 équipes restantes. Comme pour l’édition précédente, 32 équipes sont inscrites. Tous les cadors sont présents. La RFA, tenante du titre et championne du monde 74, fait naturellement figure de favoris. Tout le monde souhaite d’ailleurs assister à une revanche de cette fameuse finale de coupe du monde 1974. La grande Allemagne de l’Ouest de Beckenbauer avait soulevé la coupe chez elle, après une victoire sur les Pays-Bas de Johan Cruyff qui pratiquaient, selon les observateurs, le plus beau football de l’époque. Mais d’autres équipes ont leur mot à dire. On pense à l’Angleterre, à l’Espagne et à l’Italie, nations de l’Ouest de l’Europe mais également à l’Union Soviétique, fier et habituel représentant du bloc de l’Est. En 1976, il est difficile de ne pas faire référence à ces deux blocs qui séparent toujours l’Europe en ces temps de guerre froide et de rideau de fer. L’Union Soviétique a longtemps été la nation phare de l’Est, mais on distingue l’émergence d’autres pays comme la Yougoslavie par exemple, qui finira logiquement premier de son groupe de qualification devant l’Irlande du Nord, la Suède et la Norvège. L’Espagne et l’Union Soviétique passent également le premier tour sans encombre, ce qui ne sera pas le cas de tous les favoris. Dans le groupe 1, c’est la Tchécoslovaquie qui finit en tête devant l’Angleterre, le Portugal et Chypre. La Hongrie passe également à la trappe dans le groupe 2 aux dépens du Pays de Galles, surprenant leader. L’équipe de France elle est en plein renouveau. Elle fonde beaucoup d’espoir sur cet Euro, galvanisée par le parcours des verts de l’ASSE en coupe d’Europe des clubs champions. Les Bleus de Jean Michel Larqué ne vont cependant pas réussir à s’extraire du groupe 7, pourtant abordable. Malgré la première sélection d’un certain Michel Platini, petit nouveau de l’AS Nancy Lorraine, la Belgique terminera première devant la RDA (Allemagne de l’Est), la France et l’Islande. Dans les groupes restants, les deux monstres sacrés se sont qualifiés. Si la RFA n’a pas rencontré de difficultés majeures pour finir en tête, les Pays-Bas ont  beaucoup plus souffert. Ils terminent tout de même leader à égalité de points avec la Pologne, mais avec une meilleure différence de buts. L’Italie sera troisième de ce « groupe de la mort » devant la Finlande.

En quart de finale, Cruyff et ses collègues vont répondre à leurs détracteurs qui les accusaient d’arrogance et de suffisance en pulvérisant la Belgique (5-0 ; 2-1). Les autres matchs sont beaucoup plus serrés. L’Allemagne de l’Ouest sort l’Espagne (score cumulé 3-1) et la Yougoslavie se qualifie sur le même score face aux surprenants Gallois. Le match retour à Cardiff sera le théâtre de violents affrontements et incidents provoqués par les supporters locaux. Certains y verront les prémices des mouvements Hooligans qui feront parler d’eux au début des années 80 et qui frapperont notamment les pays Britanniques. Le pays de Galles sera tout d’abord exclut de la prochaine édition de l’Euro avant que la sanction ne soit réduite en appel à une simple interdiction de jouer à moins de 100 miles de Cardiff pendant quatre ans. Dans le dernier quart de finale, la surprenante Tchécoslovaquie va s’imposer face à son voisin de l’Union Soviétique (2-0 ; 2-2). Malgré la défaite des siens, Moscou (considérée comme la capitale du bloc de l’Est) se félicite de voir deux nations communistes rejoindre le tournoi final en compagnie des deux favoris de la compétition. La Yougoslavie accueillera la phase finale, le pays hôte étant désigné à ce moment précis parmi les qualifiés.

Le 17 juin 1976 à Belgrade, l’Allemagne de l’Ouest allait trembler avant de s’imposer (2-4) face aux locaux après prolongation. Dans l’autre demie, une prolongation sera également nécessaire pour départager les Pays-Bas et la Tchécoslovaquie. A la surprise générale, les Tchèques s’imposent 3-1. Une équipe d’anonymes vient de sortir la redoutable génération dorée Hollandaise composée de Cruyff, Rep, Neeskens et les frères Van de Kerkhof. La revanche du mondial 74 n’aura pas lieu.

Pour cette finale, où l’ombre de la guerre froide plane une nouvelle fois sur le rendez-vous, Beckenbauer et les siens sont prévenus. Il ne faut pas prendre cette équipe à la légère. Les Tchèques, inconnus du grand public, sont à la hauteur. Solides et disciplinés (comme le veut la tradition du football de l’Est), ils tiennent tête aux Allemands et le score est de 2-2 au bout du temps règlementaire, puis de la prolongation. Nous allons donc assister à une séance de tirs au but inédite. Du côté Allemand, on compte sur Sepp Maier, le portier du Bayern considéré par beaucoup comme le meilleur du monde. Mais les Tchèques ne tremblent pas et c’est Uli Hoeness qui va craquer le premier côté Allemand. C’est alors que l’on voit s’avancer vers la surface un certain Antonin Panenka. Le numéro 8 Tchèque est le prototype parfait du footballeur de l’Est de l’époque. Un solide et robuste athlète avec l’inévitable moustache. Toute l’Europe découvre ce joueur en revanche bien connu dans son pays. Et il va nous gratifier du plus célèbre penalty de tous les temps. Un petit ballon piqué sous la barre qui va mystifier Maier et tout un stade qui ne s’attendaient pas à autant de tendresse dans cette frappe. Tout le monde est médusé sauf les joueurs du FC Bohémians, partenaires de club de Panenka. Il avait déjà réalisé ce geste pendant les entraînements et une fois lors d’un match de championnat mais au vue du régime politique du pays, les rares images de ses prouesses n’étaient pas sorties des frontières. En effet, le communisme interdit à un pays l’ouverture au monde extérieur. Sepp Maier ne pouvait donc pas savoir comment Panenka et les autres tiraient leurs penaltys. On venait d’assister à un moment sportif historique qui ne manquera pas d’être récupéré par les dirigeants communistes de l’époque. A Moscou, le traumatisme de la finale perdue de l’Euro 1972 face à ces mêmes Allemands de l’Ouest est encore bien présent. Cette défaite avait même engendré la fin du règne Soviétique sur le football Européen. L’occasion est donc trop belle pour « laver l’affront ». Les dirigeants communistes vont s’emparer du phénomène « Panenka » et en faire un symbole puisque la Tchécoslovaquie est également sous l’emprise de ce régime. Tout est bon à prendre pour prouver la supériorité de cette idéologie seulement huit ans après le printemps de Prague et dans un contexte de guerre froide et de rideau de fer. De bien tristes mots qui contrastent avec le formidable geste de ce cher Panenka et l’immense exploit réalisé par la Tchécoslovaquie.

Des prolongations, une séance de tirs au but, une « Panenka »… Un Euro riche en rebondissements et un football qui sort une nouvelle fois triomphant.

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