- Euro 1984
- Thomas Maitre
Le Français est de nature chauvin. Mais pas besoin d’être Français pour dire que cette rencontre est l’une des plus belles de l’histoire de l’Euro. En 1984, l’équipe nationale n’a jamais été aussi forte. Une longue traversée du désert avait fait suite aux exploits de la génération dorée de la fin des années 50. Des joueurs comme Just Fontaine et Raymond Kopa avaient permis à la France de se faire connaître au niveau international, grâce notamment à une troisième place lors du mondial 58 en Suède. Après cette glorieuse époque, le néant. Il faudra attendre la fin des années 70 pour voir de nouveaux talents se manifester. En 1978, l’équipe de France fait bonne figure au mondial argentin, même si elle est éliminée au premier tour. Des joueurs comme Rocheteau, Giresse et bien sûr Platini s’affirment peu à peu et passent tout près d’une finale de coupe du monde en 1982. La fameuse demi-finale perdue à Séville face aux Allemands a marqué beaucoup de monde. Cette cruelle défaite a tout de même permis à l’équipe de France d’acquérir une certaine notoriété. Elle se présente comme favoris à l’Euro 84, organisé à domicile. Une équipe complète avec comme principal atout le fameux carré magique : Fernández, Tigana et Giresse en soutien de Michel Platini, ballon d’or 83 au sommet de son art. Auteur d’un premier tour remarquable avec 7 buts en 3 matchs, le numéro 10 marche sur l’eau et entraîne avec lui une équipe de France en pleine confiance. Avant de penser à la finale, les bleus doivent tout d’abord franchir l’obstacle Portugais. Une équipe que l’on n’attendait pas forcément à ce niveau de la compétition, mais qui compte dans ses rangs des joueurs d’expérience comme Challana et surtout le redoutable attaquant Jordao. Ce grand avant-centre aux allures d’Eusebio représente le principal danger du Portugal. Sur le papier, la rencontre s’annonce donc prometteuse. Le contexte va la rendre inoubliable.
En effet, cette demi-finale est programmée au stade Vélodrome devant l’un des meilleurs public de France. C’est un atout non négligeable pour les bleus qui peuvent compter sur le peuple Marseillais pour les encourager. C’est dans cette ambiance survoltée que démarre le match. L’équipe de France rentre bien dans la rencontre et c’est Jean-François Domergue qui va ouvrir le score dès la 25ème minute. Alors que tout le monde attendait Platini pour tirer ce coup-franc aux abords de la surface, c’est le latéral gauche Français qui a nettoyé la lunette de Betao. 1-0, score à la mi-temps. Malgré plusieurs occasions, les Français ne se mettent pas à l’abri et voient même Jordao égaliser à la 74ème minute. La peur gagne alors le stade vélodrome. Le traumatisme de Séville est encore dans toutes les têtes et personne ne se réjouit de jouer les prolongations. Quand Jordao permet aux siens de mener au score dès le début du premier quart d’heure, la peur laisse place à l’angoisse. Tout le peuple Français se prend la tête à deux mains et n’en revient pas. C’est alors que les supporters présents au stade vont jouer leurs rôles à merveille et pousser les joueurs à la révolte. Sous l’impulsion d’un carré magique retrouvé, Jean-François Domergue réalise un improbable doublé et égalise à cinq minutes de la fin. Mais les bleus ne veulent pas d’un final aux tirs au but et notamment Jean Tigana. Celui que l’on surnomme la mobylette va s’emparer du ballon, passer en revue toute la défense Portugaise et offrir le but victorieux à son ami Platini qui attendait au point de Penalty. A en voir les supporters qui, derrière les buts de Betao, vont se lever comme un seul homme au moment du but, on comprend alors que l’on vient de vivre l’un des plus grands moments du football Français.
Encore aujourd’hui, certains observateurs présents ce jour-là placent ce match très haut dans la hiérarchie de leurs souvenirs. Les frissons ont traversé les enceintes du vélodrome et rendu toute une nation ivre de joie après être passé par tous les états. Un scénario de folie qui débouchera sur le final que l’on sait, à savoir une victoire de l’équipe de France dans cet Euro qui leur était promis. Sans aucun doute, cette demi-finale au vélodrome est et restera un match de légende, et pas seulement pour les bleus.