- Pays de Galles
- Alan Bernigaud
Petite taille, mais grands objectifs
De son vrai prénom Joseph Michael, celui que l’on connaît sous le nom de Joe Allen est né 14 mars 1990 à Carmarthen, une petite ville à une trentaine de kilomètres de Swansea. Swansea justement, la ville où va s'installer le jeune gallois après avoir été recruté par les Swans à seulement 9 ans. Jusqu’en 2007, le milieu de terrain se forme et réussi à se faire une place dans l’effectif professionnel à l’âge de 17 ans malgré un physique relativement frêle (1m68, 62kg). Sous les ordres du manager espagnol Roberto Martínez, le gamin découvre petit à petit les joies de la League One (D3), gagnant le championnat en 2008 après avoir pris part à 14 rencontres toutes compétitions confondues. Un premier titre qui permet au club gallois d’accéder à la Championship (D2), un championnat légèrement plus technique dans lequel le jeu est plus épuré, mais reste malgré tout très physique surtout pour un petit bonhomme comme lui.
Alors durant ses premières années de professionnel, Joe est obligé d’adapter son jeu, l’amenant à ne plus se jeter dans le tas pour se faire expédier à cause de ses petites mensurations, mais au contraire, à devenir maître du milieu de terrain et du ballon en régulant le jeu depuis l’arrière à la manière d’un Pirlo ou d’un Xavi. Le gamin commence à prendre de l’ampleur malgré quelques blessures à répétitions et il est envoyé en prêt pour quelques mois à Whrexam, ne jouant que deux matchs pour un but. Il est alors rappelé du côté de Swansea, enchaînant 26 puis 22 matchs toutes compétitions confondus à seulement 19 et 20 ans, et surtout, obtenant sa première cape en sélection nationale lors d’une victoire face à l’Estonie (1-0) le 29 mai 2009, ce qui laisse entrevoir un avenir brillant.
Brendan Rodgers, le tremplin vers la Premier League
Arrivé de Reading pour remplacer Roberto Martínez, le nouveau coach des Swans, Brendan Rodgers perçoit immédiatement le potentiel de Joe Allen et décide d’en faire sa tour de contrôle au milieu de terrain. Avec le coach Nord-Irlandais, fini les blessures et les égarements dus à la jeunesse. Joe Allen passe un véritable cap, jouant 48 matchs durant cette saison 2010-2011 qui voit son équipe gagner les play-offs de Championship et ainsi accéder à la grande Premier League. Après des grands débuts réussis au plus niveau avec une 11e place pour son équipe et 41 rencontres effectuées pour quatre buts, Joe Allen se fait remarquer tout comme son manager. Quand celui-ci est engagé par Liverpool au mercato estival suivant, Rodgers le demande comme première recrue, l’obtient contre un chèque de 15 millions de livres sterling puis le présente à la presse et au supporter comme le « Welsh Xavi ».
Un compliment des plus flatteurs pour le jeune homme qui comme son comparse espagnol possède un physique frêle, mais parvient à faire régner sa loi par ses passes millimétrées et son art maitrisé du renversement. Avec Liverpool, Joe est un titulaire et chouchou du coach assumé par celui-ci qui place de grands espoirs en lui. Mais les pépins physiques reviennent gâcher la vie du Gallois qui joue certes 37 matchs dont 7 pour ses premiers matchs européens, en Europa League, mais son temps de jeu se réduit vite. Les deux saisons suivantes sont exactement les mêmes avec un étalement de technique à chaque fois qu’il est sur le terrain, mais des blessures constantes, qui le pousse à ne prendre part qu’à 58 matchs sur la période dont la plupart en qualité de remplaçant qui rentre en joker pour éclairer le jeu en fin de match. Au départ de Brendan Rodgers en octobre dernier qui, malgré les critiques, aura emmené le club à la seconde place en 2014, Joe perd définitivement sa place de titulaire régulier et sous la houlette de Jurgen Klopp, le Gallois ne prend part qu’à 729 minutes sur le terrain, étalée sur 19 matchs.
Toutefois, le sulfureux coach allemand l’affirme, Joe Allen est un esthète et doit seulement parvenir à stopper ses blessures à répétitions pour évoluer au plus haut-niveau. Pas de quoi effrayer le calme milieu de terrain qui lui profite de ce manque de temps de jeu pour se dévoiler un peu dans la presse spécialisé… en agriculture. Car le Liverpuldien a pour drôle de passion les poules (il en possède seize chez lui) comme il l’a expliqué au magazine Chicken & Egg au printemps dernier dans un numéro où il a fait la Une. Un homme normal avec des passions simples, loin du show-business qui expliquer pourquoi le numéro 24 est aussi apprécié par les supporters qui lancent chaque semaine le hashtag #JoeAllenAppreciationDay sur Twitter pour rendre hommage à ce joueur et dont même les coéquipiers jouent le jeu en twittant eux aussi.
Le véritable patron des Dragons
Car oui, si le statut d’Allen en club est remis en question notamment à cause de ses trop nombreuses blessures ou de son manque d’impact physique lors des grosses oppositions, son statut en sélection est tout autre. À 26 ans, le natif de Carmarthen possède 30 capes avec l’équipe première du Pays de Galles, et s’est déjà affirmé comme le patron de l’ombre, derrière les stars que sont Gareth Bale et Aaron Ramsey. Alors même qu’il est en train d’écumer les équipes de jeunes de son pays (10 sélections avec les U17, 4 avec les U19 et 14 avec les Espoirs), Joe Allen fait ses grands débuts avec les A en 2009 alors qu’il n’a que 19 ans, lors d’un match amical face à l’Estonie. Après deux années sans sélection, celui qui vient alors de passer un cap avec Swansea commence à s’imposer dans le groupe puis dans le XI de son sélectionneur, Chris Coleman.
À l’Euro, le numéro 7 des Dragons se montre sous son meilleur jour, enchainant les prestations de hautes volées à commencer par son récital face à la Slovaquie pour le premier match de groupe (2-1) qui lui vaut le titre de meilleur joueur du match. Pourtant superstar de la sélection, Gareth Bale ira même jusqu’à l’encenser après le match contre la Russie. «Je ne pourrai jamais en dire assez sur lui. Je pense qu’il effectue le sale boulot et que cela passe peut-être inaperçu. Mais nous, nous savons à quel point il est d’une importance vitale et combien il joue bien. Dans l’équipe, on lui est très reconnaissant », explique le joueur du Real Madrid. Une déclaration qui fait notamment suite à la passe décisive magique qu’à délivré Allen lors du but de Ramsey face à la Russie (3-0). Preuve de l’impact de la présence de Joe Allen avec son équipe nationale, son capitaine Ashley Williams ne tarit pas d’éloges lui non plus: «Tout le monde adore Joe. Super barbe, super coupe de cheveux, super type, c’est l’homme clé de l’équipe. Et un joueur qui a la classe, en plus.»
Aujourd’hui, le Pays de Galles est là où personne ne l’aurait vu, en demi-finale de l’Euro et s’en va affronter dans quelques heures le Portugal de CR7 pour forcer encore plus le destin et glaner le précieux sésame pour la finale le 10 juillet. Pour cela, une des grandes variables du match sera la forme d’Allen, lui, le dépositaire du jeu capable d’éclairer le jeu comme personne à part Xavi à qui il a toujours été comparé. Et tant pis si lui a une grosse barbe et des poules dans son jardin.