- Huitièmes de finale
- Aurelien Renault
VOUS AVEZ LOUPE LE MATCH ? PAS DE PANIQUE !
Ce samedi 30 juin 2018, entre 16h et 18h, le temps et l’espace se sont retrouvés en suspension dans un amas de couleurs bleutées. Dans la chaleur de Kazan, le football français a croisé la route de l’irrationalité et le réveil brutal de ses talents, plus que de faire vaciller l’hexagone dans l’ivresse, a secoué le monde entier de quatre voluptueux séismes. Quatre buts à trois dans un huitième de finale de Coupe du monde qui respirait la fébrilité et la peur du vide dans ses premières encablures : c’est Alfred Hitchcock qui fait du Kubrick, c’est Salvador Dali qui peint du Max Ernst, c’est du surréalisme sur rectangle vert, tout simplement.
La création tricolore de ce samedi est une œuvre inédite. Rien de semblable n’avait en effet été proposé au regard des Français dans la longue histoire de l’équipe de France de football en Coupe du monde. Les huitièmes de finale, depuis une défaite à ce stade en 1934 à Turin contre l’Autriche (3-2, après prolongations), c’est une étape qui sourit aux Tricolores. Le bonheur belge à Paris quatre ans plus tard, le duel des Alpes de Mexico en 1986 (victoire 2-0 contre l’Italie), le golden goal de Laurent Blanc à Lens en 1998 (1-0 contre le Paraguay) et le renversement de l’Espagne lors du Mondial allemand 2006. Tous ont une place dans l’histoire mais Kazan 2018 c’est à la fois tout ça combiné mais aussi plus que ça encore. Car il faut bien l’avouer, rien ne semblait fait cet après-midi de juin pour que cette équipe de France aussi poussive en phase de poules puisse se faire un nom dans ce Mondial. Lorsque le détestable Gabriel Mercado s’en vient par chance dévier une frappe de Lionel Messi au retour des vestiaires et que le score bascule à 2-1 en faveur de l’Argentine, combien de Français sombrent alors dans l’angoisse d’un scénario écrit contre les Bleus ? Deux frappes, deux buts pour des joueurs agressifs jusqu’alors très limités dans leur champ d’action qui exultent au nez et à la barbe de la jeunesse bleu-blanc-rouge. Jusqu’à la fougue.
Avec les ailes de ses joueurs de couloir qui se déploient soudain, la France prend son envol dans ce Mondial. Déboulé d’Hernandez, reprise stratosphérique de Pavard pour le 2-2. Et puis la foudre, le doublé du grand petit bonhomme de ce match, Kylian Mbappé. La France de 1998 avait Thierry Henry, celle de 2006 avait pu compter sur Franck Ribéry. Comme un coup de patte sur le roi de l’échiquier argentin Lionel Messi, le cavalier Kylian a pris toute la lumière sur lui, entrainant dans sa danse une équipe de France qui fait enfin résonner le nom de ses joueurs dans le ciel de Russie. En une rencontre, les Bleus ont marqué plus de buts que lors de leurs trois matchs de poules (3). En réalité, leur duel en haute altitude avec des Argentins accrocheurs - preuve en est le but de l’avant-dernière minute d’Agüero – aura produit plus de buts que leurs précédentes sorties russes. Mais celui-ci va marquer l’histoire du Mondial russe autant que celle des Tricolores. Car ces Bleus magiciens ont fait chanter leur poésie collective en la faisant surgir de nulle part. Car le Mondial 2018 vient peut-être de voir enfin débouler un potentiel futur vainqueur psychiquement libéré, voletant au-dessus de toute raison. Un match plein de sens à la frontière du non-figurable et de l’indicible. Le match, sans doute, de cette Coupe du monde.
LA NOTE DU MATCH : 93/100
Spectacle général (20/20) : Les jambes flageolantes des minutes initiales et les timides étincelles produites par les accélérations du début de match ont finalement produit un fabuleux incendie dans l’atmosphère incandescent de Kazan. Les Bleus ont mis le feu à la Russie, bien aidés dans leur entreprise par de roublards Argentins rusés jusqu’à la moelle et auteurs de trois buts en presqu’autant de tentatives. Une production irrespirable et splendide qui vous fait comprendre sans que vous ne puissiez mettre des mots dessus pourquoi vous êtes amoureux du football.
Occasions & buts (20/20) : Des accélérations dévastatrices de Kylian Mbappé au jeu collectif tricolore retrouvé, on a vu une palette de couleurs éclatantes côté bleu, le tout sublimé par le chef d’œuvre total d’un Benjamin Pavard que personne n’avait vu venir. Son ballon est en rotation pour l’éternité. Et que dire de la mine du méritant Di Maria dans la lucarne d’un Lloris impuissant qui aurait pu suffire à l’Argentine au moment de rafler la mise. Des occasions en pagaille pour un total de sept buts pour régaler nos mirettes. Sept buts en huitième de finale de la Coupe du monde lors d’un France-Argentine. Tout est dit.
Qualité technique (15/20) : La France est sortie victorieuse de la course poursuite et elle l’a dû à une maitrise collective de tous les instants et à une justesse technique souvent irréprochable dans ses transmissions. De la facilité parfois qui a souvent remis l’Albiceleste en selle. Une équipe argentine qui de son côté était loin de toucher les étoiles et qui a terni la rencontre par d’innombrables fautes et coups de sangs. L’Amérique du Sud était bleu-blanc-rouge ce samedi après-midi.
Scénario & Suspense (20/20) : La folie à l’état pur. Qu’il ait souri à l’Argentine ou qu’il revienne finalement à la France, le scénario de ce match a échappé à la gravité pour nous emporter très haut. La France qui mène et gère son affaire, l’Argentine qui renverse tout par on ne sait quel artifice. Et la débandade française où chaque coup de boutoir aura généré des poussées orgasmiques aux quatre coins de l’hexagone. Avant une frayeur ultime sur le but d’Agüero et l’ultime poussée argentine. PHÉ-NO-MÉ-NAL.
Bonus/Malus du jury (18/20) : Pour cette catégorie, on vous explique, on part de 10/20 à chaque coup d'envoi et on fait gonfler ou baisser la note selon nos propres critères subjectifs (on est le jury, on fait ce qu'on veut) :
- -3 pour l’attitude argentine. Ils ont décidé de montrer les crocs et d’aller à la guerre parce qu’ils savaient qu’ils n’avaient pas de talent pour traverser ce Mondial avec grâce. Ça aurait pu payer mais l’Albiceleste ne sort pas grandie des coups de gueule de Mercado et Otamendi, trop souvent à la limite. Une attitude déplorable qui tranche singulièrement avec le calme tricolore pendant 92 minutes sur 94.
- -3 pour le corps arbitral en général. Beaucoup de fautes argentines sont restées non sifflées et le cas échéant impunies. Au-delà du scénario surréaliste de cette rencontre, le grand mystère de ce France-Argentine est bien la non-exclusion de Mercado et de Mascherano, visiblement au-dessus des lois.
- +10 pour Kylian Mbappé. Vous faisiez quoi au mois de juin de l’année de vos 19 ans ? Vous vidiez des 1664 au camping avec vos potes après avoir raté vos examens en essayant de ne pas penser à la rentrée suivante. Kylian cale des doublés à la Coupe du monde contre l’Argentine et repart sagement s’asseoir sur le banc au moment de sa sortie. La totale.
- +4 pour le staff tricolore. Moribondes et lourdes, les jambes tricolores nous avaient faits de la peine lors de la phase de poules. Alors on serrait fort nos phalanges en se disant que les préparateurs physiques des Bleus allaient faire monter leurs joueurs en puissance afin qu’ils soient prêts en huitièmes. Bingo ! La France a mangé l’Argentine. Et paradoxalement, elle vient de creuser notre appétit comme jamais par le passé.
4 GIFS QUI EN DISENT LONG
Le ballon lorsque Benjamin Pavard le caresse
Le Brésil a un message pour l'Argentine et Cristiano Ronaldo pour Lionel Messi
Les Français devant ce match
Kylian Mbappé dans la défense argentine