- Demi-finales
- Alan Bernigaud
Il existe toujours des histoires autour de chaque match de football, que cette rencontre s'inscrive dans le cadre d'une compétition internationale ou au détour d'un simple duel amical. Durant une Coupe du monde, ces histoires prennent encore plus d'importance au fur et à mesure que les équipes progressent dans le tournoi. Alors quand ce sont deux pays voisins, et qui plus est amis, qui s’affrontent, comme ce sera le cas mardi soir à Saint Petersbourg entre la France et la Belgique, c’est toute leur histoire commune qui est scrutée. À commencer par les précédents. Et entre les deux nations, c'est peu dire que des duels, il y en a eu beaucoup. 73 pour être précis. Et en analysant ces 73 rencontres, c’est une part de leurs histoires respectives qui est racontée. Déjà parce que le premier affrontement entre la France et la Belgique date du 1er mai 1904 et représente pour les deux pays, leur tout premier match. Une rencontre historique donc des deux côtés de la frontière et qui ne pouvait que se solder sur un match nul et spectaculaire, à l’image des excellentes relations entre les deux voisins. Ce fut le cas avec un 3-3 de grande qualité dont on retiendra au passage que c’est un certain Georges Quéritet qui inscrivit le tout premier but de l’histoire de la Belgique dès la 7e minute à domicile devant seulement 1 500 personnes avant que Louis Mesnier n’en fasse de même pour l’équipe de France.
Durant plus de trente années, France et Belgique vont alors s’affronter régulièrement dans le cadre de matchs amicaux. À cette époque, les pays possédant une fédération de football et dont la situation politique était stable n’étaient alors pas légion. Ainsi, de 1904 à 1938, les Bleus et les Diables Rouges vont se rencontrer à 32 reprises dans des matchs amicaux toujours riches en buts avec pas moins de 146 buts inscrits pour une moyenne impressionnante de 4,5 buts par match. Sur cette période, les deux nations s’affrontent quasiment chaque année avec seulement une interruption entre 1914 et 1919 pour cause de Première Guerre Mondiale et vont même se rencontrer trois fois en amical en 1930. Les relations footballistiques entre les deux pays sont à l’image des relations diplomatiques : au beau fixe. Le 33e match entre la France et la Belgique va être une première puisqu’il intervient en huitième de finale d’une compétition toute récente mais déjà mythique : la Coupe du monde. En raison de la non-professionnalisation du football dans la plupart des pays et de l’extrême situation politique dans laquelle est plongée l’Europe, seule 15 équipes participent à ce Mondial qui débute donc dès la phase d’élimination directe. Au terme de ce match, la France - pays organisateur de cette troisième édition - finit par l’emporter sur le score de 3 buts à 1.
Malgré cette élimination face à son voisin, la Belgique rencontre une nouvelle fois la France l’année suivante avec comme volonté de poursuivre cette belle série de matchs amicaux annuels mais celle-ci est de nouveau interrompue par une Guerre Mondiale. Dès le 24 décembre 1944, les deux nations s’affrontent de nouveau et relancent cette belle amitié qui n’est perturbée par aucun duel en compétition internationale jusqu’en 1984. Et c’est d’ailleurs de nouveau lors d’un tournoi organisé par la France que cela intervient avec le Championnat d’Europe 1984. Durant les 40 dernières années, seuls 8 matchs sur les 29 disputés étaient dus au hasard puisqu'intervenant au cours d’éliminatoires pour des Championnats d’Europe (1968 et 1976) ou des Coupes du monde (1958 et 1982). À partir des années 50, les scores de ces rencontres deviennent beaucoup moins fleuves, se rapprochant des standards d’aujourd’hui grâce à la professionnalisation du football et de l’engouement impressionnant que prend ce sport au sortir de la Seconde Guerre Mondiale. Toutefois, c’est sur un 5-0 bien sec que la France de Michel Platini écarte la Belgique de Jan Ceulemans en phase de poules en 1984. Peut-être que cette défaite brouille légèrement les deux pays puisque le match suivant n’intervient que deux ans plus tard et n’a strictement rien d’amical puisqu’il s’agit de la petite finale de la Coupe du monde 1986 disputée à Puebla au Mexique. Toutes deux auteures d’une belle compétition, la France et la Belgique s’inclinent l’une et l’autre en demi-finale sur le même score de 2 à 0, respectivement face à l’Allemagne de l’Ouest et face à l’Argentine. Ce match pour la 3e place est haut en couleurs et à la fin du temps réglementaire, les deux équipes sont dos-à-dos sur un score de deux partout. C’est au final en prolongation que la décision va se faire avec deux buts inscrit par les Bleus pour une victoire 4 à 2.
Cette petite finale de Coupe du monde va marquer un tournant dans la relation entre les deux pays puisqu'à partir de là, c'en est fini des matchs amicaux annuels. Il faudra attendre six années avant le duel suivant, en 1992, qui se solde par un match nul trois buts partout avant d’attendre quatre ans de plus pour le suivant qui se finit avec une victoire deux à zéro de la France. Trois autres matchs auront lieu jusqu’en 2004 avant que la plus longue période de l’histoire sans que les Bleus et les Diables Rouges ne s’affrontent soit amorcée. Durant presque huit ans, les deux voisins font leur vie chacun de leur côté, connaissant l’un comme l’autre des hauts et des bas avant de se retrouver pour un nouveau match amical qui finit sur ce qui est seulement le troisième match nul et vierge entre les deux équipes depuis 1904. Une nouvelle rencontre a lieu et aboutit au même score de 0-0 avant que n’ait lieu, le 7 juin 2015, la dernière rencontre en date entre la France et la Belgique. Dans un Stade de France comble, la Belgique réalise une véritable démonstration de force à un an de l’Euro 2016, menant 4-1 à trois minutes de la fin avant de se faire rejoindre à 4-3 au coup de sifflet final après de très nombreux changements en fin de match.
Mardi, il ne sera aucunement question de procéder à des remplacements à tout va pour donner du temps de jeu à de jeunes pousses et il ne sera pas non plus question de rencontre amicale. Car, si en football comme en dans la vie de tous les jours, Français et Belges sont plus bien plus que de simples voisins, il n’y aura toutefois aucune notion d’amitié qui rentrera en jeu à Saint-Petersbourg dans cette demi-finale de Coupe de monde qui laissera l’une des deux nations en larmes avec un rêve brisé. Mais l’important n’est pas de savoir qui gagnera ce match. Non. L’important sera que, quelques soit le résultat entre les hommes de Didier Deschamps et ceux de Roberto Martinez, les bonnes relations en football entre la France et la Belgique se prolongent, plus d’un siècle après avoir débuté leur histoire ensemble.