- Premier League
- Edouard Mesnildrey
Rafael Benitez qui croise la route de Newcastle, c'est un peu comme deux amants dépressifs qui vont tenter le pari de se faire du bien mutuellement l'un à l'autre pour remonter la pente. Parfois ça marche, parfois les deux s'enlisent. En ce qui concerne cette union qu'on n'avait pas forcément vu venir, on est forcément en droit de se montrer sceptique. Si l'on ne va pas revenir sur le cas de l'ancien entraîneur de Naples viré du Real comme un mal propre, l'état de santé de Newcastle n'a pas fait la une ces dernières semaines et forcément, il interroge. Revenons-y donc ! Marqué par un exercice 2014-2015 totalement raté, Newcastle engage Steve McClaren l'été dernier pour diriger l’équipe première, en provenance de Derby County. Neuf mois plus tard, le gaillard a déjà fait ses valises. Les objectifs lui sont pourtant clairement posés dès le départ : retrouver les places européennes et gagner une coupe nationale. La ligne directrice du club est elle-aussi définie : recruter de jeunes joueurs à fort potentiel afin d’en retirer une plus-value à terme. Seulement, les recrues ayant apporté satisfaction depuis quelques saisons se comptent sur les doigts des mains. Yohan Cabaye quitte les bords du Tyneside en janvier 2014 pour une somme comprise entre 23 et 25 millions d’euros, Mathieu Debuchy l’imite l’été suivant en rejoignant Arsenal pour 10 millions d’euros. Autre satisfaction, joueur clé du club et homme à tout faire de Didier Deschamps, Moussa Sissoko devrait largement rentabiliser un transfert effectué en janvier 2013 pour la modique somme de 2,5 millions en provenance de Toulouse.
Très en vue lors de la Coupe du Monde 2014 au Brésil, Georginio Wijnaldum devient la tête de gondole du recrutement des Magpies à l’intersaison 2015 et s’impose au fil du championnat comme l’homme incontournable du club, auteur de 9 buts soit un tiers du total marqués par l’effectif de Steve McClaren. Loïc Rémy n’était présent que sous forme de prêt, Cheik Tioté et Papiss Cissé commencent eux à tirer la langue après de bonnes saisons du côté de Saint James’ Park et seul le jeune Ayoze Pérez donne du crédit à la politique de recrutement de Newcastle en tirant son épingle du jeu. A l’opposé de ces bonnes opérations de recrutement d’hier et d’aujourd’hui, Newcastle aligne les « 0 » pour de trop nombreux joueurs qui n’apportent pas satisfaction. La « French Connection » mise en place par Alan Pardew en son temps s’épuise et rime bien souvent avec échec. Yanga M’Biwa, Marveaux, Amalfitano, Gouffran, Obertan, Rivière, Haïdara pour ne citer qu’eux, sont loin des attentes qui étaient placées en eux. La faute à un recrutement trop onéreux pour des joueurs n’ayant pas prouvé sur un long ou moyen terme leur potentiel. Débarqués l’été dernier d’Anderlecht, les espoirs Mitrovic et M’Bemba déçoivent et il faudra plus de temps pour se faire une idée de ce que pourront apporter les Townsend, Shelvey, Saivet et autre Doumbia sur le terrain. Mais on l’a bien compris, la politique mise en place par Newcastle est très loin de porter ses fruits.
Crise de résultats, calendrier compliqué : Benitez est devant un Everest
Les cas Ben Arfa, Cabella et Thauvin en sont l’incarnation même. Véritable idole à Saint James’ Park, Hatem Ben Arfa voit son contrat résilié suite à une brouille avec son entraineur. Libre, il signe à l’OGC Nice avec la réussite qu’on lui connait actuellement. Rémy Cabella ne restera lui qu’une petite saison sur les bords du Tyneside avant de retourner en France du côté de l’Olympique de Marseille en prêt (dont l’option d’achat devrait être levée) dans le cadre du transfert de Florian Thauvin. Décevant à Marseille depuis son arrivée, le jeune Français reste sur la même ligne à Newcastle, s’attirant même les foudres de la légende Alan Shearer. Six mois après son arrivée, il retourne aussi sec à Marseille, en prêt. Un constat d’échec implacable pour le club anglais qui, selon les propos de Cabella, ne laisserait pas assez de temps à ses recrues de s’intégrer et de s’adapter à un championnat extrêmement exigeant. Tiens, tiens, un club qui n'offre pas de temps d'adaptation, ça te rappellerait pas quelque chose, Rafa ?
Rafael Benitez arrive en sauveur mais sa mission est d'ores et déjà bien complexe : sur les 28 matchs joués par Newcastle en championnat cette saison, le constat est là : 6 petites victoires, 6 matchs nuls et 16 défaites. Auteurs de 4 victoires, 5 nuls et 5 défaites dans leur antre de Saint James’ Park, les Magpies soufflent le chaud et le froid à domicile. Mais c’est principalement loin de ses bases que Newcastle accuse le coup. Avec seulement 7 points pris sur les pelouses adverses (2 victoires, 1 nul pour 11 défaites), le contraste est saisissant. Pourtant, l’exercice 2015-2016 avait démarré par un match nul prometteur face à Southampton, révélation de la saison passée. Mais cela ouvrait seulement la voie à une série de 8 matchs sans victoire et une claque reçue par Manchester City (6-1). Un sursaut d’orgueil face à Norwich (6-2) et Newcastle abandonnait le chaud derby du Nord à l’ennemi honni de Sunderland sur le score sans appel de 3-0. A la mi-décembre, on pouvait pourtant entre-apercevoir un petit rayon de soleil dans le ciel noir des Magpies suite à deux victoires consécutives contre Liverpool et Tottenham. Avant de replonger dans des séries où les succès paraissent trop anecdotiques pour les citer (2, face à West Ham et West Bromwich).
A l'assaut de la...17ème place
Depuis leur dernier coup d’éclat, les coéquipiers de Moussa Sissoko ont subi 3 revers de rang qui ont conduit les dirigeants à chercher ce défibrilateur qu'ils appellent Benitez. Et la suite du programme ne s’annonce pas joyeuse. En ligne de mire, des rencontres périlleuses face à Norwich, Swansea, Crystal Palace et Sunderland, tous engagés dans la course au maintien. Aston Villa, bien que déjà largué à 8 points des Magpies, ne manquera pas de vendre chèrement sa peau pour y croire jusqu’au bout. A côté de ce programme déjà bien chargé ? Leicester qui va tout faire pour aller chercher son premier titre de champion, Tottenham premier poursuivant des Foxes, Manchester City (match en retard de la 27ème journée) qui ne lâchera pas l’affaire si vite ainsi que Southampton et Liverpool qui se battent pour une place européenne. Autant dire qu’on a déjà vu des calendriers plus abordables à l’entame de la dernière ligne droite et qu'on ne peut pas forcément parier son compte en banque sur le fait que Benitez aura suffisamment de temps pour redresser la barre Surtout, il n'est pas renommé pour être un spécialiste de la lutte pour le maintien qu'il n'a jamais vraiment expérimentée au cours de sa carrière. "Ca va être un challenge non seulement pour moi et mon staff mais également pour les joueurs, le club et les supporters, a déclaré dans un premier temps le nouveau coach des Magpies. Nous devons tous tirer dans le même sens avec le même objectif en tête."
L'objectif est donc minimaliste : la 17ème place. Une descente en Championship aurait un impact fort pour le Nord de l’Angleterre, d’autant plus que Sunderland est tout aussi concerné que son voisin de Newcastle par cette opération sauvetage. La grogne est déjà forte du côté de Saint James’ Park, les supporters clamant haut et fort leur désamours vis-à-vis du président Mike Ashley, accusé notamment d’utiliser le club comme simple vitrine pour sa société Sports Direct (le stade ayant été renommé au nom de la société en 2009 à des fins commerciales). Si la dernière relégation de Newcastle a démontré que le club pouvait s’en relever plus fort, les espoirs du peuple du Nord sont cependant de briller en Premier League plutôt qu’à l’échelon inférieur. Pour cela un changement de politique et de mentalité semblait inévitable à Newcastle afin de tourner la page de deux saisons catastrophiques. La nomination de Benitez va dans ce sens mais il se pourrait qu'elle intervienne un peu trop tard. Pas encore largués (1 point de retard sur Sunderland, 17ème) et comptant un match en plus à jouer, Newcastle dispose de 10 rencontres pour y croire. Le voyage commence maintenant pour Newcastle et Rafa, et le premier pas aura lieu au King Power Stadium face à la surprenante équipe de Leicester lundi prochain (14 mars, 21h).